Comment un député gagnant plus de 50 000 euros par an peut-il ne pas payer d’impôt sur le revenu… voire se faire remettre, par l’Etat, plus de 1 000 euros ? Par un subtil jeu sur les niches fiscales, dont l’une d’entre elles est au cœur du financement, légal, des partis politiques. Un montage que Le Monde a pu consulter dans l’avis d’imposition 2015 d’une députée et conseillère de Paris La république en marche (LRM), Anne-Christine Lang. Elle siège à l’Assemblée nationale depuis mai 2014, alors sous l’étiquette Parti socialiste (PS), lorsqu’elle a remplacé Jean-Marie Le Guen (nommé au gouvernement), dont elle était suppléante dans la 9e circonscription de Paris.

Or, ce nouveau mandat – et ce nouveau salaire – s’accompagne de nouvelles obligations financières vis-à-vis de son parti politique. « Je devais verser chaque mois entre 1 000 et 1 500 euros au PS, au titre de ma cotisation d’élue », explique Anne-Christine Lang au Monde. Les cotisations des élus sont en effet un moyen habituel de financement politique. En 2015 au PS, elles représentaient près de 22 % des recettes du parti selon la Commission nationale des comptes de campagne, contre 32 % au Parti communiste et 8 % chez Les Républicains.

Le tribut est lourd – près de 13 000 euros sur l’année 2014, soit un quart des revenus déclarés de Mme Lang –, mais il est en partie déductible, au titre de l’article 200 du code général des impôts. C’est ainsi que le montant de son impôt sur le revenu, déjà réduit de la pension alimentaire qu’elle verse à ses enfants majeurs, passe de 6 200 euros à… 630 euros. Un montage tout à fait légal, qui permet aux partis de se financer indirectement grâce à une niche fiscale ; en plus de l’aide de l’Etat qu’ils touchent déjà, liée au nombre d’élus au Parlement et de candidats aux législatives de chaque formation.

En ajoutant quelques dernières imputations et des crédits d’impôt, dont l’emploi d’une femme de ménage quelques heures par semaine, l’impôt sur le revenu de la députée a encore diminué, au point que l’Etat a fini cette année-là par lui verser 1 300 euros.

« Un régime dont bénéficient tous les députés »

Anne-Christine Lang confirme avoir bénéficié de ces déductions et crédits d’impôt, mais souligne qu’elle « paie les impôts que l’administration fiscale [lui] demande de payer ». Et de poursuivre : « J’ai bénéficié du régime [de déductions] dont bénéficient tous les députés. » Des cadres de partis et un fiscaliste ont confirmé au Monde le caractère courant de ce montage, abondant dans le sens de Mme Lang.

En 2006, déjà, le député (PS) des Landes Henri Emmanuelli s’insurgeait à l’Assemblée nationale de payer moins d’impôt que « [son] chauffeur et [ses] collaborateurs » : « Je devais 11 000 euros, auxquels il faut soustraire le paiement de la femme de ménage, des cotisations au parti et au groupe parlementaire, et de l’atelier protégé départemental : au bout du compte, l’Etat me doit de l’argent ! » Treize ans plus tard, la situation des élus n’a pas changé. Mais le ras-le-bol fiscal d’une partie des Français pourrait remettre la question des niches fiscales au cœur du « grand débat national » qui s’ouvrira le 15 janvier.

Anne-Christine Lang déjà épinglée sur son indemnité représentative de frais de mandat

Quinze parlementaires ou ex-parlementaires sont visés par des enquêtes préliminaires pour de possibles usages illicites de leur enveloppe de frais de mandat entre 2012 et 2017, a annoncé L’Express en décembre 2018. Vendredi 11 janvier, Radio France révélait qu’Anne-Christine Lang, actuellement députée La République en marche de Paris, avait ponctuellement utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour des dépenses discutables. Cette enveloppe d’environ 5 800 euros brut par mois est donnée aux parlementaires pour s’acquitter des dépenses liées à leur activité d’élus. Or, d’après les relevés de compte d’IRFM d’Anne-Christine Lang de février à septembre 2016 que Radio France s’est procurés et que Le Monde a également pu consulter, la députée, alors membre du groupe socialiste, a effectué des paiements à caractère personnel. L’élue a ainsi sorti cinq fois sa carte bleue de députée pour payer des médecins (dont plus de 1 000 euros pour un spécialiste), onze fois pour divers achats en pharmacie (pour 360 euros en tout), ainsi que d’autres petits achats pendant ses vacances.

Contactée par Le Monde, la députée reconnaît « deux ou trois négligences » et affirme avoir depuis pris contact avec la déontologue et le questeur de l’Assemblée afin de rembourser les sommes indûment payées avec son IRFM.