Pour ces élèves de terminale, ces tests et ces séances de coaching en ligne sont avant tout une occasion – jugée plutôt agréable – de se pencher sur leur avenir. / Bryan Hainer/Blend Images/Photononstop

Quinze à trente minutes de questions. La définition d’un profil de personnalité. Des suggestions de formations et de métiers. Gratuits ou payants, les tests ou applications d’orientation en ligne à destination des lycéens en quête de projet professionnel et d’études supérieures ne manquent pas.

Pour Le Monde, Alexia, Victoria, Dylan et Thomas, élèves de terminale dans un lycée du centre-ville de Strasbourg, et Garance, lycéenne à Colombes (Hauts-de-Seine), ont testé ces outils. De la plate-forme Inspire, à la version gratuite de Hello Charly, en passant par la version payante de la Super Boussole de Digischool, à 9,99 euros, ou encore le pack découverte de Futurness by L’Etudiant, à 149 euros, incluant un entretien d’une heure avec un coach, les lycéens en ont expérimenté au moins deux chacun.

Aucun d’entre eux n’attendait de solution miracle. Cela tombe bien : aucun de ces outils ne s’autorise à ne les guider que vers une seule voie. Pour ces élèves de terminale, ces tests et ces séances de coaching en ligne sont avant tout une occasion – jugée plutôt agréable – de se pencher sur leur avenir.

Tous sont impressionnés par la manière dont un court questionnaire de moins d’une demi-heure peut réussir à dessiner un portrait fidèle de leur personnalité. Même s’ils assurent qu’ils n’ont rien appris de fondamental en le découvrant. Focalisés sur ce qui les conforte dans leurs choix d’orientation, comme lorsqu’ils lisent un horoscope, les lycéens se montrent critiques lorsque ce n’est pas le cas.

« C’est tout à fait moi »

Victoria n’y va pas par quatre chemins. « C’est trop cher pour ce que c’est », assène-t-elle, à l’issue de son entretien en visioconférence avec une coach, lors de son test du pack découverte de Futurness by L’Etudiant. Motif de son verdict ? « Quand j’ai parlé de médecine, en fin d’entretien, la coach a dit que j’étais quelqu’un d’anxieux et a émis des doutes sur ma capacité à gérer la pression en Paces [première année commune aux études de santé] », s’agace la lycéenne, dans le trio de tête de sa classe de terminale S. D’abord ébranlée par ces mots, celle qui reconnaît « stresser avant un contrôle », estime que cela ne lui a jamais fait perdre ses moyens et ne l’empêchera pas de faire médecine. Elle prévoit tout de même d’étudier d’autres pistes. « La coach m’a aussi parlé du métier de vétérinaire. C’est mon rêve d’enfant, s’enthousiasme la lycéenne. Je vais me renseigner sur ces études en Belgique, où ça a l’air plus accessible qu’en France. » Sur les traits de personnalité dégagés par les tests de L’Etudiant, comme par la Super Boussole de Digischool, Victoria n’a rien à dire… Ou presque. « C’est tout à fait moi », certifie-t-elle, avant de déplorer que « ces tests ne prennent pas en compte les résultats scolaires ».

« Tu donnes tes notes, ton intérêt pour chaque matière, tes goûts pour des grands secteurs professionnels, et on te propose des formations. C’est concret. » Victoria, 17 ans

Le test Inspire trouve grâce à ses yeux. Victoria se dit même enchantée par cette plate-forme gratuite, à but non lucratif, et proposée par une association. « Tu donnes tes notes, ton intérêt pour chaque matière, tes goûts pour des grands secteurs professionnels, et on te propose des formations. C’est concret », apprécie la jeune femme de 17 ans. Comme elle aime les SVT (sciences de la vie et de la Terre), la plate-forme lui a conseillé « toutes les formations avec de la bio. Et aussi la Paces, à laquelle je pense quand même très sérieusement », insiste-t-elle.

En terminale littéraire, Alexia est également emballée par Inspire, qui lui suggère, notamment, une poursuite d’études « en LLCER [langues, littératures et civilisations étrangères et régionales], avec une jauge de compatibilité à quasiment 100 % », se réjouit la jeune femme. A 17 ans, elle est « à fond dans les langues », avec une première langue vivante approfondie et une troisième langue, chinois. Elle souhaite « passer le Capes, puis l’agrégation, pour devenir professeure d’anglais ». Cette plate-forme propose aussi une mise en relation avec des « étudiants éclaireurs », à choisir selon le bac d’origine ou le type de formation, entre autres. Certains offrent même de relire les CV et les projets de formation motivés. Aucun de ceux suggérés à Alexia n’est inscrit dans l’université qu’elle vise.

Thomas, lui, n’ira pas à l’université. « Je ne pense pas être suffisamment autonome dans mon travail, et la coach l’a confirmé », tranche l’élève de terminale ES. La coach, c’est celle avec qui le jeune homme de 18 ans s’est entretenu en visioconférence, sur la base des tests passés quelques jours plus tôt sur Futurness by L’Etudiant. « Le pôle social ressort en premier. J’ai effectivement besoin de bosser en relation avec des gens. Mais j’ai aussi besoin de bouger, de concret, de terrain. C’est mon côté réaliste », commente-t-il avec conviction.

Conforter son choix

Vers la fin de l’heure d’entretien, l’une des pistes avancées par la coach retient son attention : l’hôtellerie. « J’y avais pensé, révèle le jeune homme de 18 ans. En plus, je suis bon en langues et j’aime ça. » A ses côtés, son père apprécie de voir son fils « se projeter. C’est la première fois qu’on passe une heure ensemble sur l’orientation. On a du mal à aborder le sujet. Mon fils l’évite, sans doute parce que ça l’angoisse, avance-t-il. Là, la coach était sympa, bavarde et le tutoyait. Elle a fait office de tata experte ! ». A l’issue du rendez-vous, père et fils prennent le temps de jeter un œil sur Internet pour se renseigner sur les formations. Le père déchante en découvrant les frais d’études de l’Ecole hôtelière de Lausanne, citée plusieurs fois par la coach : « Plus de 30 000 francs suisses [26 500 euros environ] l’année ! »

Comme Thomas, Garance a « besoin de bouger » et ne s’imagine pas « passer [sa] journée derrière un ordi ». Raison pour laquelle la jeune femme, actuellement en terminale du bac professionnel « artisanat et métiers d’art », option communication visuelle, au lycée Claude-Garamont à Colombes, hésite à poursuivre dans le BTS. Ce diplôme serait « le prolongement naturel » de son bac pro, reconnaît celle qui se dit attirée par « le côté artistique du graphisme ». La Super Boussole de Digischool confirme son « profil artistique » très marqué. Le métier de comédienne sort en tête de la liste de métiers suggérés par le bilan de ce test. « J’y avais réfléchi. Je m’étais même renseignée sur ce qu’il faut faire pour entrer aux Conservatoire, raconte Garance. Comédienne, ça fait peur quand même », glisse celle qui pratique le théâtre amateur « depuis deux ou trois ans ». La jeune femme va étudier la possibilité de mener de front son BTS et une formation de comédienne.

« Quand on fait le test, on sait ce qui se cache derrière le choix de tel ou tel verbe d’action, sur Digischool, ou de tel ou tel goût pour la lecture ou la télé, chez Hello Charly. » Dylan, 17 ans

Dans le doute, Dylan s’abstiendra d’entreprendre des études de philosophie à l’université. La version payante de la Super Boussole de Digischool a bien repéré un goût prononcé pour la réflexion chez ce passionné de philosophie. S’il a envisagé, un temps, de se lancer dans ce type d’études, l’élève de terminale ES s’est récemment ravisé. « Je n’ai pas des super notes en philo, donc je ne suis pas sûr d’avoir le niveau pour réussir à la fac », craint celui qui a tout de même 15/20 de moyenne générale depuis la première. Dylan pense « faire Sciences Po après le bac ou une classe prépa économique ». Selon lui, les tests de Digischool et de Hello Charly viennent conforter son choix. Celui d’une formation « plus encadrée que l’université, avec des cours approfondis », juge-t-il. Mais le lycéen de 17 ans n’est pas dupe de sa stratégie. « J’ai parfois pu donner des réponses pour que ça aille dans le sens de ce que j’ai envie de faire, confie-t-il. Quand on fait le test, on sait ce qui se cache derrière le choix de tel ou tel verbe d’action, sur Digischool, ou de tel ou tel goût pour la lecture ou la télé, chez Hello Charly. »

« L’orientation, un sacré business »

Contrairement à Dylan, Alexia n’est pas convaincue par les suggestions d’orientation du chat Hello Charly. « Je fais de la musique et du théâtre, mais je ne veux pas en faire mon métier pour autant, indique-t-elle. Et pour aller plus loin, il faut payer », déplore la jeune femme. Si la plupart des outils d’aide à l’orientation en ligne offrent un accès gratuit à un premier test, l’utilisateur se voit ensuite dirigé vers des tests plus approfondis – dont certains de ceux qu’ont testés pour nous les lycéens –, voire des services complémentaires, à des tarifs variables. Futurness by L’Etudiant propose, par exemple, un pack à 449 euros. Celui-ci comprend trois tests, cinq entretiens, trois pistes de métiers, autant de parcours de formations et une sélection d’établissements. Le père de Thomas soupire, avant de lâcher : « L’orientation est un sacré business. »

« Même si le lycéen peut avoir l’impression que le test ne lui a rien appris sur lui-même, l’intérêt est de permettre de verbaliser et de formaliser les choses. » Delphine Riccio, psychologue de l’éducation nationale

Selon Delphine Riccio, psychologue de l’éducation nationale, les tests sont d’abord des outils de médiation utilisés par des professionnels : « Un test, c’est une expérimentation. La manière dont il nous fait réagir, dont les questions et les réponses nous parlent, est intéressante. L’erreur serait de le prendre comme une vérité. La plupart des bilans de tests proposés aux jeunes sur Internet annoncent d’ailleurs qu’il faut les interpréter avec prudence. Le vocabulaire utilisé montre bien qu’il est compliqué de les appréhender sans accompagnement par un professionnel », affirme celle qui rappelle que, dans les centres d’information et d’orientation ou dans les établissements scolaires, les tests et les entretiens sont gratuits.

Dans sa pratique, elle utilise des tests lorsqu’elle rencontre des lycéens, et ceux-ci font toujours l’objet d’une restitution. « Même si le lycéen peut avoir l’impression que le test ne lui a rien appris sur lui-même, l’intérêt est de permettre de verbaliser et de formaliser les choses. Si je suis attachée au fait d’être psychologue, c’est aussi parce qu’on a conscience des enjeux psychoaffectifs en lien avec l’orientation. Le fait d’être un garçon ou une fille joue, par exemple, comme les projections des adultes plaquées sur des secteurs ou des métiers. » Avec un paradoxe difficile à éviter : le jeune lycéen peut souhaiter qu’on lui donne des réponses claires et immédiates, et, en même temps, il voudrait que cela vienne de lui. Se trouver lui-même, par lui-même.