Lucas Ocampos, ici lors de la défaite de Marseille face à l’Apollon Limassol, et ses partenaires savent qu’un Vélodrome hostile les attend dimanche. / BORIS HORVAT / AFP

Ils ont promis un « typhon », sont venus en pleine semaine jusqu’aux grilles de la Commanderie, le centre d’entraînement de l’OM à une vingtaine de kilomètres du Vieux-Port, demander des comptes. Ils ont tagué des slogans hostiles demandant le départ de Rudi Garcia, l’entraîneur, et de Jacques-Henri Eyraud, le président, sur les murs alentours… Les supporteurs de l’Olympique de Marseille sont exaspérés et comptent bien le montrer dimanche 13 janvier, lors de cet OM - Monaco (21 heures), dernier match de la 20e journée de Ligue 1, pour lequel 46 000 personnes sont attendues au stade Vélodrome.

« L’avenir de notre club est en péril » assurent, sans aucune ironie, les South Winners, principale association de supporteurs dans un communiqué à l’adresse de ses 7 200 abonnés. « Le coach tue les joueurs, la direction tue le club… » ajoutent de leur côté les MTP, 3 500 adhérents, avant d’inviter le peuple marseillais à venir exprimer « sa révolte » au Vélodrome. « Eyraud et les supporteurs, c’est un peu comme Macron et les gilets jaunes, jauge un membre du Commando Ultra, le plus ancien des groupes de fans marseillais. Au début, c’était une love story. Aujourd’hui, c’est le retour à la dure réalité pour une direction qui croyait pouvoir mener le club comme une start-up sans tenir compte du contexte ». « On n’a plus confiance en eux… Pas plus les joueurs que les dirigeants » gronde S., ancien du virage sud, qui criera sa colère dimanche, comme il l’a fait en début de semaine à la Commanderie.

Face à cette tension, qui conduit la préfecture de police à renforcer la sécurité autour de l’enceinte marseillaise et sur le parcours du bus des joueurs, l’Olympique de Marseille entend, comme le président de la République, « garder le cap ». Au sein du club, personne ne nie la crise sportive, ni la nécessité de prendre des mesures pour retrouver la victoire. Mais l’OM, qui depuis l’arrivée du nouvel actionnaire l’Américain Frank McCourt et de son président Jacques-Henri Eyraud, se voit d’abord comme une entreprise, entend vivre le moment sans céder à l’urgence. Et s’accroche à son ambition de stabilité dans un univers volcanique.

Neuf défaites en treize rencontres

À court terme, pas question donc de limoger Rudi Garcia, même en cas d’échec contre Monaco. Un déferlement de transferts, à l’image de celui que vit l’adversaire du jour, 19e au classement de Ligue 1, ne serait pas plus d’actualité. Comme un symbole, vendredi 11 janvier, l’OM accueillait dans ses murs un colloque sur « l’entrepreneuriat dans les quartiers ». Le président Eyraud y a débattu avec l’économiste et ancien conseiller du président Mitterrand, Jacques Attali. Bien loin des préoccupations immédiates des supporteurs et des réseaux sociaux.

Face à la presse, le même jour, Rudi Garcia s’étonnait de « la mémoire courte » du monde du football. Un sentiment que beaucoup partagent au sein du club marseillais. Neuf mois après s’être hissés en finale de Ligue Europa contre l’Atletico Madrid (0-3), l’OM et son entraîneur ne pensaient pas être aussi rapidement vulnérables aux critiques. Mais le club a raté son recrutement, s’est fâché avec une partie des associations de supporteurs, a loupé sa campagne européenne et s’est fait piteusement éliminer de la Coupe de la Ligue et de la Coupe de France, alignant une série catastrophe de neuf défaites en treize matches.

Devant la dureté des chiffres, les dirigeants de l’OM mettent en avant le travail effectué sur la formation, les négociations réussies pour récupérer l’exploitation exclusive du stade Vélodrome et s’accrochent au fait que le club reste, avant la réception de Monaco, à six points de la troisième place en Ligue 1, objectif minimum de la saison. Avec trois matches en retard sur Lille et Lyon, deux de ses principaux rivaux dans cette course à la Ligue des Champions. « Moi, je crois en ce groupe et je pense être l’homme de la situation pour amener l’Olympique de Marseille en fin de saison là où on veut être » estime toujours Rudi Garcia.

La semaine de l’introspection

Prolongé en octobre dernier jusqu’en 2021 par le président Eyraud, l’entraîneur marseillais se sent-il intouchable ? Sur son cas personnel, il donne rendez-vous dans quelques semaines, « lorsque tous les matches en retard auront été joués ». Dans les hautes sphères de l’OM, on ne voit pas le nouveau contrat de Rudi Garcia, malgré les indemnités de licenciement qui pourraient en découler, comme un totem d’immunité. Mais plutôt comme la preuve d’une confiance qu’un simple coup de mistral ne peut balayer. Les déclarations de cadres de l’équipe, comme celle du champion du monde Florian Thauvin - « le coach n’est pas seul »- ont, à ce propos, été accueillies avec soulagement par les dirigeants marseillais, un temps inquiets de voir leurs joueurs lâcher l’entraîneur.

Pour relancer la machine sportive et tenter de calmer la grogne, l’OM n’utilisera pas la carte transferts. La venue de l’Italien Mario Balotelli, toujours sous contrat avec Nice, reste toujours une option, mais, comme l’été précédent, pas à n’importe quel prix, ni dans n’importe quelle condition. La solution choisie est donc, pour l’instant, avant tout interne. La défaite face aux amateurs d’Andrézieux (0-2) en 32e de finale de la coupe de France, le 6 janvier, a semble-t-il servi d’électrochoc. Avec, comme principales cibles, des joueurs placés face à leurs responsabilités. Mise au vert derrière les murs de la Commanderie, séance d’introspection collective, dont le contenu a été en partie révélé par L’Equipe avec notamment un discours du Brésilien Luiz Gustavo faisant appel à l’union sacrée, entraînements renforcés… Les Olympiens ont été « malmenés en interne » selon les mots de leur entraîneur.

De quoi déclencher une prise de conscience ? À l’OM, on assure que la semaine a été « exemplaire, avec un staff qui a pris le problème à bras-le-corps ». Vendredi, quelques minutes avant son entraîneur, Florian Thauvin s’est livré à un exercice de transparence et de contrition inédit. « Mes décisions ne sont pas toujours les bonnes », « il m’arrive parfois d’oublier mes coéquipiers », « mon repli défensif n’est pas parfait » a enchaîné l’attaquant face aux questions des journalistes. Un comble pour l’un des rares joueurs qui, avec onze buts et trois passes décisives depuis le début de la saison, tient son rang. Mais une façon de montrer que l’équipe dans son entier se présenterait, désormais, avec de meilleures intentions.

Si l’OM ne bat pas un Monaco encore plus malade que lui dimanche soir et n’enchaîne pas, dès le mercredi suivant, sur un bon résultat à Saint-Etienne, la pression risque de ne plus être supportable pour la direction marseillaise. Mais si l’équipe passe ce cap, elle aura gagné son pari de prouver que le changement au sein du club le plus explosif de France est, cette fois, plus profond que ne le croient les supporteurs.