Affiche du concert de Mohamed Allaoua avec Idir et Aït Menguellet pour le Nouvel An berbère. / WWW.ALLAOUAOFFICIEL.COM

Depuis 2018, le Nouvel An berbère (Yennayer) est ­férié en Algérie, une ­révolution dans ce pays qui a longtemps ignoré les revendications des berbérophones (environ un quart de la population). Pour fêter l’événement et la chanson kabyle, qui a porté cette lutte pour la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes, trois chanteurs de différentes générations, Idir, Lounis Aït Menguellet et Mohamed Allaoua, se sont réunis, samedi 12 janvier, sur la scène de l’AccorHotels Arena de Paris, devant une salle comble.

Vingt ans après 1, 2, 3 Soleils, qui rassemblait Khaled, Cheb Mami et Rachid Taha, 1.2.3 Kabylie a remporté son pari. La communauté kabyle d’Ile-de-France est venue en famille : les grands-mères en tenue traditionnelle, robe orange agrémentée des couleurs du drapeau amazigh (bleu, vert, rouge et jaune) et les jeunes dans leurs baskets qui s’emballent sur les derniers tubes de ­Mohamed Allaoua. Blouson en cuir noir au col scintillant de paillettes et jean déchiré, le trentenaire fait figure de jeunot au milieu des monuments que sont Idir, qui a exporté et modernisé la chanson kabyle, et Lounis Aït Menguellet, le « Georges Brassens algérien ».

Aït Menguellet accompagnait déjà Allaoua en janvier 2018 lors d’un des concerts annuels du cadet au Zénith de Paris. « Depuis que je suis petit, je chante ses chansons et celles d’Idir, explique celui qui a pris la relève. Même la langue kabyle, je l’ai apprise grâce à eux. Je suis né à Alger d’une mère algéroise et d’un père kabyle. Mais mon père est parti très tôt travailler en France comme souffleur de verre. J’ai naturellement appris la langue de ma mère, l’arabe algérois. C’est mon grand frère qui m’a initié à la chanson kabyle et à ­notre culture. »

Mandoline sur mesure

D’abord lancé par une émission de télé, équivalente à « The Voice Kids », Mohamed Allaoua a ­gagné ses galons de musicien et de chanteur par le respect des aînés, en leur rendant régulièrement hommage à travers des ­reprises. Mais il n’hésite pas à traiter de sujets plus légers – comme les peines de cœur – ou à collaborer avec des artistes rap et R’n’B, dont le rappeur algérois Lotfi Double Kanon.

La chanson « Xaluta » lui vaut, depuis 2017, d’être devenu le porte-parole de la jeunesse algérienne et la bête noire du pouvoir

A l’AccorHotels Arena, le guitariste, qui s’est fait fabriquer à Marseille une mandoline sur mesure lui permettant de passer du traditionnel à l’électrifié, joue la chanson Xaluta, qui lui vaut, depuis 2017, d’être devenu le porte-parole de la jeunesse algérienne et la bête noire du pouvoir : « Elle m’a été inspirée par une chanson du berbériste Slimane Azem [1918-1983], mais je la chante en algérois. C’est un hommage à tous les exilés, et à la souffrance de la jeunesse ­algérienne qui n’a ni travail ni ­loisirs, à part des terrains de foot. L’espoir de ce pays, c’est sa jeunesse mais en Algérie, elle se sent prisonnière, menottée, entravée. Une fois en France ou au Canada, ces ­jeunes trouvent des postes, car ils sont en mesure de montrer leurs compétences. »

★ XALUTA ★ ALLAOUA Clip Officiel 2017
Durée : 06:18

Depuis, Mohamed Allaoua n’est plus programmé sur les télévisions d’Etat, ne peut plus jouer dans les théâtres de verdure ou les salles institutionnelles : « Etre engagé dans ses chansons n’est plus aussi dangereux qu’à l’époque d’Idir ou de Lounès Matoub [assassiné en 1998], nuance Allaoua, mais il faut assumer. Aujourd’hui, je ne tourne plus en Algérie qu’avec des partenaires privés. »

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