L’équipe pan-coréenne de handball à son arrivée sur le terrain, lors du premier match du Mondial 2019. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Après avoir pris le meilleur sur le Brésil et la Serbie, l’équipe de France masculine de handball est confrontée, lundi 14 janvier, à une adversité inédite pour son troisième match du Mondial. A Berlin, une équipe composée de joueurs de Corée du Sud et du Nord se présente sur sa route. A l’instar des Jeux olympiques de Pyeongchang l’an passé, où une seule et unique équipe féminine de hockey coréenne avait disputé le tournoi, la Fédération internationale de handball (IHF) a choisi d’inviter une « Corée unifiée » à disputer la compétition.

Et, pour l’occasion, elle a choisi de faire une exception. Cette équipe symbole pan-coréenne n’est pas contrainte aux mêmes règles que les 23 autres participants au Mondial : là où chaque nation doit composer avec un groupe de seize joueurs (et trois changements possibles en cours de compétition), la Corée unie a le droit d’aligner vingt joueurs sur la feuille de match.

Quatre Nord-Coréens ont donc incorporé l’équipe sud-coréenne initiale. « Nous n’avions aucune information sur les joueurs de la Corée du Nord avant qu’ils nous rejoignent », a admis John Yoon, membre de la Fédération sud-coréenne de handball. Ce sont des « joueurs-soldats », détaille l’entraîneur Cho Young-shin, qui a qualifié la Corée (du Sud) pour son premier Mondial depuis 2013.

Au moins un Nord-Coréen aligné à chaque match

Quand il ne dirige pas l’escouade nationale, le coach coréen mène l’équipe du Korea Armed Forces Athletic Corps, un corps d’élite d’athlètes-soldats surnommé « Sangmu » en Corée. Si neuf de ses membres ont pris part – dans différents sports – aux Jeux olympiques de Pyeongchang, aucun joueur de « Sangmu » ne fait partie de l’équipe emmenée au Mondial de handball.

Le symbole berlinois n’ira pas jusqu’à voir des soldats du Nord et du Sud défendre un même but, mais l’entraîneur espère insuffler à ses troupes « un esprit de soldats, permettant de tirer le meilleur de chacun, quelle que soit la situation. »

Rassemblée le 22 décembre, l’équipe de la péninsule coréenne – laquelle est représentée sur le drapeau choisi pour symboliser l’équipe – n’a eu que deux semaines de préparation pour assimiler les quatre recrues du nord.

« Ça a suffi pour qu’on identifie les forces et les faiblesses de chaque joueur, a assumé l’entraîneur Cho Young-shin, qui s’est engagé à ce qu’au moins un Nord-Coréen dispute chaque rencontre. Nous nous sommes rapprochés à chaque soirée passée ensemble, chaque entraînement, chaque repas, et désormais nous avons une connexion amicale. »

« Il n’y a que quatre Nord-Coréens ? C’est symbolique, quoi, constate le Français Nedim Remili, admettant avoir été surpris par l’annonce de cette équipe unifiée. Mais si c’est très important pour la Corée – les Corées ? je ne sais pas comment on dit –, ça ne changera rien pour nous, parce qu’on va jouer notre handball. »

Des supporteurs de la Corée « unifiée », dans les travées de l’Arena de Berlin. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Volonté d’internationalisation

« Cette initiative d’unir les deux Corées s’inscrit dans la volonté de mondialiser notre sport, assumait le président de la Fédération française de handball (FFHB), Joël Delplanque, avant l’entame du Mondial. L’Asie est un enjeu très important, et dans cette optique, la Corée aussi. »

L’an passé, Philippe Bana, directeur technique national (DTN) du handball français avait tiré la sonnette d’alarme après avoir consulté un rapport du CIO. Reprochant à l’IHF de ne pas avoir réussi à développer le handball au-delà de l’Europe, l’organisation olympique menaçait de sortir la discipline des sports olympiques à court terme. Tout élément allant dans le sens d’un développement de la balle pégueuse dans le monde est accueilli favorablement par l’IHF.

Le président du CIO, Thomas Bach, déjà à la manœuvre dans le rapprochement des deux Corées aux JO d’hiver en 2018, s’est félicité de l’initiative de l’IHF. Présent à Berlin pour le match inaugural, l’ancien champion olympique allemand de fleuret (1976) a salué la « poursuite de l’initiative lancée par le CIO à l’occasion de Pyeongchang ».

« Le sport ne doit pas faire de la politique, mais il peut construire des ponts et ouvrir des portes », a poursuivi Thomas Bach dans l’ancienne ville divisée par une mur. Une candidature commune des deux pays, officiellement toujours en guerre, aux JO 2032, est à l’étude.

Pas d’hymne, mais un chant folklorique traditionnel

Dans sa communication, la fédération internationale ne fait guère de mystère sur l’ambition d’une telle équipe. « Plus que du sport, l’histoire en marche », claironne son site internet.

Tombée dans le groupe – outre des ogres français – de l’hôte allemand, de la Russie, de la Serbie et du Brésil, tout autre résultat qu’une élimination au tour préliminaire serait un exploit pour la Corée unie. « Nous sommes dans le groupe de la mort », a constaté l’entraîneur sud-coréen Cho Young-shin, et les deux premières défaites de ses hommes ont confirmé ses dires.

« Notre objectif ultime n’est pas le résultat, mais de montrer notre esprit d’équipe unifiée au monde entier, énonce John Yoon dans un communiqué. Notre victoire sera d’émouvoir tous les fans de handball et de permettre à ce sport de véhiculer le message de paix venu de notre péninsule. »

Au lieu de l’hymne national de l’un ou l’autre pays, le chant folklorique traditionnel coréen « Arirang » va retentir après la Marseillaise. Ensuite, place au jeu.

Pour des Bleus visant une troisième couronne mondiale d’affilée (après celles de 2015 et 2017), la Corée n’est certes qu’une étape, mais elle n’est pas à prendre à la légère. « Il ne faudra pas avoir un excès de confiance et livrer un match sérieux », avertit l’entraîneur français Didier Dinart.

« La meilleure manière de respecter cette équipe et ce symbole est de jouer à fond, conclut Nedim Remili. En espérant que cette unification trouve écho dans d’autres sports. »