Emmanuel Macron le 15 janvier. / LUDOVIC MARIN / AFP

« Je vous écrirai dans quelques jours », avait annoncé Emmanuel Macron à l’occasion de ses vœux, le 31 décembre 2018. C’est désormais chose faite. Au cœur de la tempête des « gilets jaunes » dont il peine à s’extraire depuis deux mois, le président de la République a fait le choix de s’adresser directement aux citoyens, en publiant dimanche 13 janvier sa « lettre aux Français », en préambule du grand débat national.

Courrier à l’ancienne transmis par la poste ou missive post-moderne envoyée aux médias et propagée sur les réseaux sociaux ? Sollicitée, l’Elysée ne confirme pas pour l’instant l’envoi de la lettre par la Poste à chaque Français. Déjà au cœur de polémiques budgétaires, l’opération, évoquée par plusieurs médias, aurait un coût avoisinant les 10 millions d’euros, selon France Inter.

La lettre présidentielle aux Français est un outil de communication classique, mais le contexte est inédit. Avant Emmanuel Macron, François Mitterrand, en 1988, et Nicolas Sarkozy, en 2012, avaient tous deux adressé une missive aux Français. En cela, « Emmanuel Macron s’inscrit dans les pas de ses illustres prédécesseurs », indique au Monde l’ancien conseiller en communication de François Hollande à l’Elysée, Gaspard Gantzer. Néanmoins, précise l’historien Jean Garrigues, le cadre diffère, puisqu’il s’agissait pour François Mitterrand et Nicolas Sarkozy de « lettres-programmes » en vue de leurs candidatures pour un second mandat présidentiel.

« Mea culpa »

Selon Jean Garrigues, l’adresse d’Emmanuel Macron, qui survient un an et demi à peine après son élection, a surtout les traits d’un « mea culpa » du chef de l’Etat « sur ce qu’a été sa communication jusqu’à présent ». Cette missive vient « clore une période de verticalité jupitérienne dont Emmanuel Macron a constaté l’échec », rappelle l’historien. Amorcée par son allocution télévisée du 10 décembre comme une première réponse aux « gilets jaunes », cette entreprise s’est poursuivie à l’occasion des vœux présidentiels, puis dans sa « lettre aux Français », et doit culminer lors du grand débat national lancé mardi 15 janvier dans l’Eure.

A chaque fois, le chef de l’Etat tente de s’adresser aux Français en court-circuitant les corps intermédiaires comme les traditionnels relais médiatiques, tous les deux décriés par les « gilets jaunes ». Une manière pour le président de la République de renouer avec le candidat Macron, qui avait profité de sa « grande marche » en 2016 pour sonder les Français en amont du scrutin. Pour Jean Garrigues, l’écrit permet au chef de l’Etat de « dérouler sa pensée plus précisément » et d’ainsi « renouer avec la confiance des Français ». Une telle lettre instaure un lien de proximité unique via lequel Emmanuel Macron s’adresse à « tous et chacun ». Gaspard Gantzer avertit néanmoins : « Cette lettre n’ayant été relayée que par les médias traditionnels, il y a un risque qu’elle soit peu lue. » Une analyse relativisée par M. Garrigues pour qui cette médiation atypique peut rapidement proliférer sur les réseaux sociaux – une situation difficile à imaginer pendant la campagne de François Mitterrand.

Si les contraintes budgétaires préviennent une distribution de cette lettre par voie postale, ce n’est peut-être pas plus mal. Jean-Pierre Raffarin, qui avait eu recours à l’exercice épistolaire pour expliciter sa très contestée réforme des retraites en 2003, s’était vu renvoyer 25 000 plis en guise de protestation. Comme Emmanuel Macron aujourd’hui, il concluait pourtant son courrier en affirmant : « J’ai confiance. »