LES CHOIX DE LA MATINALE

Cette semaine sur les écrans, un grand film romantique de super-héros, une comédie sardonique dans le monde de l’édition, un retour sur le faux pas de Gary Hart lors de la présidentielle américaine de 1988 et la suite des confessions d’Eva Ionesco.

« Glass » : les super-héros romantiques de M. Night Shyamalan

Glass - Official Trailer [HD]
Durée : 02:53

Après un passage à vide, M. Night Shyamalan, revient depuis quelques années sur le devant de la scène. L’enfant prodigue du vieux rêve hollywoodien (Le Sixième Sens, Incassable) se sent de nouveau pousser des ailes et défie derechef la forteresse sur son propre terrain : le super-héroïsme. Glass se veut en effet un film de super-héros, à ceci près que l’univers dont ils sortent n’appartient qu’à Shyamalan.

Le film réunit en l’occurrence les deux personnages principaux d’Incassable – David Dunn (Bruce Willis), survivant d’un accident ferroviaire doté d’une force colossale, Elijah Price (Samuel L. Jackson), génie du mal atteint de la maladie des os de verre – et Kevin Gordon Crumb, le serial killer aux vingt-trois personnalités de Split, exécuteur torturé et torturant de jeunes adolescentes auquel James McAvoy prête la palette de son talent transformiste.

L’action débute de nos jours alors que David Dunn, devenu justicier à part entière et travaillant avec son fils Joseph en deuxième rideau (Spencer Treat Clarke, devenu adulte), vient de débusquer, dans les faubourgs industriels de Philadelphie, ce dingue de Crumb, qui s’apprête à sacrifier quelques accortes pom-pom girls et qui, ainsi découvert, libère « la bête » en lui. Le combat qui en résulte les mène tous deux dans un fourgon de la police, puis à l’hôpital psychiatrique, où les attend notamment Elijah Price, qui y croupit depuis seize ans à cause de Dunn et entend bien prendre sa revanche. Une psychiatre (Sarah Paulson) les y attend et compte bien leur prouver que les superhéros n’existent pas, un grand film romantique en ressort. Jacques Mandelbaum

« Glass », film américain de M. Night Shyamalan. Avec James McAvoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson, Anya Taylor-John, Sarah Paulson (2 h 09).

« Doubles vies » : une comédie dans le monde de l’édition

"Doubles vies", la bande-annonce
Durée : 01:35

Prise au jour le jour, l’Apocalypse peut être comique. Olivier Assayas en fait la démonstration, comme par inadvertance, au long de Doubles vies, première comédie pure de sa filmographie. Cinq personnages naviguant dans le monde de l’édition, attachants et/ou dérisoires, s’agitent face à la disparition de ce qui fut depuis environ deux millénaires, l’un des piliers des civilisations : le livre.

L’enjeu est d’importance, mais s’il pèse sur les personnages c’est pour les obliger à des contorsions plutôt qu’à la profondeur. La virtuosité d’Assayas – inédite en ce domaine – est de synchroniser le mouvement de ces deux forces inégales. La magnitude de la catastrophe et la petitesse des aspirations et des désirs font deux meules qui broient menu les vies de quelques-uns de nos contemporains.

L’esprit d’Assayas ne s’exprime pas tant par les dialogues qu’échangent les personnages pendant les quelques dîners ou thés en ville qu’il met en scène que par la caractérisation instantanée de personnages et de situations à travers l’expression de lieux communs.

Juliette Binoche, qui campe une auteure aux côtés notamment de Vincent Macaigne et Guillaume Canet, se prête au jeu avec une énergie sardonique qui n’épargne ni son personnage ni le métier de celui-ci. Thomas Sotinel

« Doubles vies », film français d’Olivier Assayas. Avec Juliette Binoche, Guillaume Canet, Nora Hamzawi, Vincent Macaigne, Christa Théret (1 h 46).

« The Front Runner » : retour sur le faux pas de Gary Hart

THE FRONT RUNNER - Official Trailer (HD)
Durée : 02:16

Pendant trois décennies, le retrait de la candidature de Gary Hart à la nomination démocrate, lors de la campagne présidentielle américaine qui aboutit à la victoire de George H. W. Bush, en 1988, a été relégué au rang d’anecdote. Un tiers de siècle plus tard, l’histoire de cet homme d’une austère séduction, sanctionné pour une faute dans un jeu dont les règles commençaient à peine à être édictées, a repris de l’importance.

Le rêve d’une réalité alternative dans laquelle Gary Hart l’aurait emporté en 1988 est devenu un baume pour ceux des Américains qui n’en peuvent plus du trumpisme. Surtout, le mouvement déclenché par l’affaire Weinstein force à examiner à nouveau les termes du procès et de la condamnation de l’ex-sénateur du Colorado.

C’est ce qu’entreprend Jason Reitman avec The Front Runner, mettant en scène l’un des couples favoris du cinéma américain, le pouvoir et la presse. A rebours de la plupart des classiques de ce qui est presque devenu un genre à part entièreNetwork, Les Hommes du président, Spotlight, Pentagon Papers –, les journalistes ne tiennent pas ici le rôle de gardiens de la démocratie que leur ont assigné Pakula ou Spielberg. Le réalisateur de Thank You for Smoking préfère en faire les agents du chaos, pendant que la figure du politicien (ici incarnée par Hugh Jackman) devient le jouet de forces qui échappent à son contrôle et même à son intelligence : la quête du scoop et la marchandisation de l’information d’une part, le bouleversement des rapports entre les genres d’autre part. T. S.

« The Front Runner », film américain de Jason Reitman. Avec Hugh Jackman, Vera Farmiga, J. K. Simmons, Alfred Molina (1 h 53).

« Une jeunesse dorée » : la suite des confessions d’Eva Ionesco

UNE JEUNESSE DOREE - Bande annonce
Durée : 01:37

Faut-il encore présenter Eva Ionesco, la réalisatrice d’Une jeunesse dorée ? Très vite alors. Naissance en 1965, fille de la photographe Irina Ionesco, qui la fait poser très jeune dans des attitudes suggestives, et parfois plus que cela. Suffisamment longtemps et régulièrement pour que la jeune fille finisse par fuir.

En 2012, après une longue période de latence et moult épisodes de la saga judiciaire qui l’oppose à sa mère, Eva Ionesco tire un beau film de cette enfance, My Little Princess (2011), avec Isabelle Huppert dans le rôle d’une photographe nommée Hannah, et sa fille Violetta qui lui sert de modèle. Une sorte de conte de fées parfaitement noir et cruel. Le premier volet d’une trilogie annoncée était ainsi posé.

Voici le deuxième. L’enfance est désormais derrière l’héroïne. Une adolescente de 16 ans, nommée Rose (Galatéa Bellugi), la remplace. Elle se fait la belle de la DDASS au tout début du film, accompagnée de son jeune fiancé, Michel (Lukas Ionesco, fils d’Eva), jeune peintre sans le sou. Elle est brutale, il est doux. Ils sont jeunes, beaux, passionnément liés l’un à l’autre, dandyesques à souhait, prêts à toutes les expériences, toutes les démesures, toutes les dérives. Ils s’installent à Paris, fréquentent le Palace, côtoient une belle bande d’excentriques. Un couple de libertins décadents va les prendre sous sa coupe, ce qui permettra à Isabelle Huppert et Galatéa Bellugi, nouveau couple mère-fille dénaturé, de faire assaut de séduction et de rage mêlées. J. M.

« Une jeunesse dorée », film français d’Eva Ionesco. Avec Isabelle Huppert, Galatéa Bellugi, Lukas Ionesco, Melvil Poupaud, Alain-Fabien Delon (1 h 52).