Des partisans de Martin Fayulu brandissent des pancartes à Kinshasa, en RDC, le 11 janvier 2019. / Baz Ratner / REUTERS

Les avocats de Martin Fayulu ont présenté devant la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC), mardi 15 janvier, leurs arguments en faveur d’une invalidation des résultats de l’élection présidentielle du 30 décembre proclamant vainqueur un autre opposant, Félix Tshisekedi.

Dans une salle pleine à craquer, Me Toussaint Ekombe a appelé la Cour à « annuler les résultats provisoires de l’élection présidentielle proclamés par la CENI », la Commission électorale nationale indépendante. L’avocat a affirmé que M. Fayulu était le véritable vainqueur de l’élection présidentielle et avait réuni 8 648 635 voix, selon les résultats compilés par son camp. Il a demandé à la Cour d’ordonner un « recomptage des voix » : « La Cour devra rectifier le résultat erroné publié par la CENI et proclamer M. Fayulu définitivement élu. »

M. Fayulu conteste les résultats provisoires proclamant M. Tshisekedi vainqueur de la présidentielle avec 38,57 % des voix et le créditant de la deuxième place avec 34,8 % des suffrages. Il dénonce un « putsch électoral » du président sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, avec la « complicité » de M. Tshisekedi, et revendique la victoire avec 61 % des voix. Les avocats de M. Tshisekedi et de la CENI ont demandé à la Cour de confirmer les résultats. Le parquet a plaidé pour que la Cour déclare le recours « irrecevable ».

Plus haute juridiction du pays, la Cour constitutionnelle est notamment chargée de trancher les contentieux électoraux. Elle a huit jours pour rendre sa décision à partir du dépôt, le 11 janvier, du recours de M. Fayulu. La décision a été mise en délibéré mardi en fin d’après-midi.

Kabila en position de force

M. Fayulu s’appuie sur les conclusions de l’influente Eglise catholique. Affirmant avoir déployé 40 000 observateurs le jour du scrutin, celle-ci a mis en doute le résultat annoncé et souhaité que le Conseil de sécurité de l’ONU demande à la CENI la publication des procès-verbaux de la présidentielle. Mais le Conseil a adopté mardi une déclaration dans laquelle il se borne à « prendre note » des résultats de la CENI et appelle chacun « à préserver le climat généralement pacifique des élections ».

Des milliers de documents ont fuité, mardi, vers des médias étrangers, le Financial Times, TV5 Monde et Radio France internationale (RFI), qui prouveraient que M. Fayulu est le véritable vainqueur de la présidentielle. Ces données sont de deux origines différentes. Une partie, attribuée à la CENI, par l’intermédiaire d’un lanceur d’alerte, montrerait que M. Fayulu a obtenu 59,4 % des voix et concernerait 86 % des suffrages exprimés. L’autre partie émane de l’Eglise catholique et le donne gagnant à 62,8 % des voix, ceci sur 43 % des suffrages. Les médias concernés insistent sur la corrélation étroite entre ces résultats mais ne cachent pas que les données présentées comme provenant de la CENI sont aussi passées par les mains de proches de M. Fayulu.

Les avocats de M. Fayulu espèrent obtenir l’invalidation des résultats de la CENI et un recomptage. Leur marge de manœuvre est étroite, car ils doivent éviter une annulation de l’élection qui permettrait à M. Kabila de rester au pouvoir jusqu’à un nouveau scrutin. Dans tous les cas de figure, le président, qui contrôle les services de sécurité et les richesses minérales du pays, reste en position de force.

Une « mesure extraordinaire »

Seul un recomptage, assez improbable, pourrait éventuellement perturber sa stratégie. Si la Cour constitutionnelle confirme la victoire de M. Tshisekedi, le camp présidentiel, qui a obtenu une large majorité aux législatives – jusqu’à 350 sièges sur un total de 500, selon ses dires –, sera chargé de désigner le premier ministre. M. Tshisekedi, qui obtiendrait une cinquantaine d’élus, devrait être contraint à une cohabitation avec les partisans de M. Kabila. Les deux principaux opposants s’accordent à voir dans les résultats des législatives, incompatibles pour eux avec ceux de la présidentielle, une nouvelle manipulation de la CENI.

Le parti de M. Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), s’est dit prêt à accepter un recomptage. Aux termes de la loi électorale, le recomptage constitue une « mesure extraordinaire ». Les neuf juges de la Cour constitutionnelle sont largement considérés comme acquis à M. Kabila. Plusieurs sont ses anciens alliés politiques, comme son ex-conseiller juridique Norbert Nkulu Kilombo. Le président de la Cour, Benoît Luamba Bindu, est aussi l’un de ses proches. Le camp Fayulu ne se fait pas d’illusion sur son impartialité, mais rêve sans trop y croire d’un scénario kényan. En 2017, la Cour suprême kényane avait invalidé le résultat de la présidentielle, une première en Afrique.

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