L’exode se poursuit à la tête de Snap. Mardi 15 janvier, la maison mère de Snapchat a annoncé le prochain départ de Tim Stone, son directeur financier, à peine huit mois après sa prise de fonction. Son nom s’ajoute à une longue liste : une vingtaine de hauts dirigeants ont quitté l’entreprise américaine depuis son introduction en Bourse en mars 2017. De quoi alimenter les interrogations sur sa gouvernance, alors même que sa croissance est au point mort.

A Wall Street, cette annonce a été lourdement sanctionnée par les investisseurs. Mercredi, l’action de l’application de messagerie a chuté de près de 15 %. « C’est un signe inquiétant, souligne Brent Thill, analyste chez le courtier Jefferies. Deux directeurs financiers sont partis en moins d’un an [M. Stone et son prédécesseur], et aucun progrès significatif n’a été réalisé sur le plan financier. » Au cours des neuf premiers mois de 2018, la société a perdu plus de 1 milliard de dollars (879 millions d’euros).

Ancien d’Amazon, M. Stone avait été recruté en mai 2018. Son arrivée avait été bien accueillie par Wall Street, exaspérée par la désinvolture affichée par Evan Spiegel, le fondateur et directeur général de Snap. Le directeur financier s’est attaché à mieux communiquer avec les marchés, par exemple en partageant pour la première fois des prévisions de résultats. « Il a davantage mis l’accent sur la rentabilité », ajoute Doug Anmuth, de la banque JPMorgan.

Détérioration des relations

Dans un document adressé à la Securities & Exchange Commission, gendarme boursier américain, le groupe de Santa Monica (Californie) assure que la démission de M. Stone n’a pas été provoquée par des désaccords avec la direction, en matière de comptabilité ou de gestion. Selon l’agence Bloomberg, le responsable aurait récemment réclamé au conseil d’administration une importante augmentation de sa rémunération, sans en informer M. Spiegel.

De fait, les relations entre les deux hommes se seraient rapidement détériorées. Fin octobre 2018, M. Stone n’avait pas souhaité confirmer publiquement la prévision de rentabilité, sur une base ajustée, pour 2019, formulée trois semaines plus tôt par M. Spiegel. Le directeur financier espérait aussi une promotion à la suite de la démission d’Imran Khan, le numéro deux de l’entreprise. Mais son patron avait finalement opté pour le recrutement de deux nouveaux dirigeants.

La vague de départs chez Snap a débuté juste après l’introduction en Bourse, qui a permis à d’anciens cadres de revendre les actions qu’ils détenaient. Et elle s’est encore accélérée depuis l’automne 2018. Outre M. Khan, le directeur des contenus, le directeur des ressources humaines, la directrice de la communication et le directeur du marketing ont abandonné leurs postes. En outre, trois responsables se sont succédé l’an passé à la tête de la division hardware (matériel).

Plongeon boursier

Cette hémorragie met en lumière le management de M. Spiegel, patron omniprésent connu pour vouloir tout contrôler. Mais elle pourrait aussi s’expliquer par le plongeon boursier de Snap : depuis février 2018, son action s’est effondrée de 70 %. « Beaucoup d’employés avaient été attirés par la promesse d’une rémunération élevée [dont une grande partie est versée en actions] grâce à un cours boursier beaucoup plus élevé qu’actuellement », note Brian Wieser, de Pivotal Research.

Entre départs en série et action au plus bas, « cela va être de plus en plus compliqué pour Snap de recruter et de retenir des dirigeants de premier plan », ajoute M. Anmuth. La période est pourtant cruciale. Victime de la concurrence d’Instagram, qui a copié son populaire format de « stories » (des photos et des vidéos qui disparaissent au bout de 24 heures), la plate-forme n’attire plus de nouveaux adeptes. Snapchat paie aussi une refonte très critiquée de son application mobile. Lancée en janvier 2018, elle a été en partie abandonnée à peine cinq mois plus tard.

Dans le même temps, la hausse du chiffre d’affaires montre des signes d’essoufflement. Et la diversification de l’activité promise dès 2016 par M. Spiegel ne s’est toujours pas matérialisée. Mardi, l’entreprise a bien tenté de rassurer les marchés : elle a indiqué que ses résultats du quatrième trimestre, qui seront publiés le 5 février, seront dans le haut de ses prédictions. Mais « les perspectives pour 2019 restent incertaines », rétorque M. Thill.