Le négociateur nord-coréen Kim Yong-chol lors de sa première rencontre avec le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, le 31 mai 2018 à New York. / BRYAN R. SMITH / AFP

La visite à Washington, à partir du jeudi 17 janvier, du général Kim Yong-chol, interlocuteur du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo dans les pourparlers entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), indique que se dessine une sortie de l’impasse des relations entre les deux pays.

Les entretiens devraient porter sur l’organisation d’un deuxième sommet entre le président américain et le dirigeant nord-coréen. Annoncé comme « imminent » par le président sud-coréen Moon Jae-in dans son discours du Nouvel An, il pourrait avoir lieu dès le début février, avancent les médias à Séoul.

Depuis le premier sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour en juin, les deux parties sont restées sur leur position. Chacune interprétant à sa manière la formule « dénucléarisation de la péninsule coréenne » figurant dans le communiqué commun publié lors de cette rencontre. Pour les Américains, cette formule signifie la dénucléarisation unilatérale de la RPDC tandis que pour les Coréens du Nord, elle implique que les Etats-Unis mettent fin à la menace nucléaire américaine pesant sur leur pays.

« Il est clair que les Etats-Unis doivent définir une nouvelle approche pour sortir de l’impasse », écrit Mintaro Oba, ancien diplomate américain chargé des questions coréennes au département d’Etat, sur NK News, site Internet spécialisé sur la RPDC.

Scénario de petits pas

Le sommet de Singapour n’était qu’une première prise de contact entre les dirigeants de pays en état de guerre depuis plus d’un demi-siècle. Il a permis une retombée de la tension dans la péninsule (à commencer par l’arrêt des essais nucléaires et balistiques nord-coréens), l’instauration, en dépit des divergences de vue, d’un dialogue entre Pyongyang et Washington, et un rapprochement entre les deux Corées scandé de trois sommets des dirigeants du Nord et du Sud. Mais le sommet de Singapour en est resté à des déclarations d’intention. Un deuxième sommet, qui pourrait avoir lieu au Vietnam, suppose que les deux parties se soient entendues au préalable sur des points précis.

« il est clair que l’on ne peut obtenir de résultats sur tous les fronts et que le processus ne peut être que graduel », Cheong Seong-chang, professeur

Certains analystes estiment que l’on s’oriente vers un scénario de petits pas, mettant temporairement entre parenthèses l’exigence américaine d’une « dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible » de la RPDC, qui est inacceptable pour Pyongyang. En contrepartie d’un engagement nord-coréen de ne plus produire de matière fissile et de procéder au démantèlement de la centrale de Yongbyon (auquel s’est engagé Kim Jong-un en septembre), les Etats-Unis accepteraient une levée partielle des sanctions. Pyongyang, insiste, pour sa part, sur la signature d’un traité de paix ou du moins une déclaration mettant fin à l’état de guerre : les hostilités de 1950-1953 n’ont en effet été suspendues que par un simple armistice.

Les deux parties semblent désireuses de trouver des compromis : Donald Trump pour apparaître comme le président qui a « résolu » la question coréenne et Kim Jong-un pour dégager son pays de ses difficultés. Mais « il est clair que l’on ne peut obtenir de résultats sur tous les fronts et que le processus ne peut être que graduel », estime Cheong Seong-chang de l’institut Sejong, à Séoul. En ouvrant une plage de temps de deux ou trois ans par une entente sur des points autres que le renoncement immédiat de Pyongyang à son arme nucléaire, les deux parties « se donneraient une marge de flexibilité », estime Mintaro Oba, pour parvenir un accord sur la stabilisation de la péninsule et un traité de paix entre les Etats-Unis et la RPDC – conditions d’une avancée sur la question nucléaire.

Objectif prioritaire de l’administration Trump

Plutôt que de risquer de voir la RPDC poursuivre son programme nucléaire et balistique, l’objectif serait de contenir et d’encadrer celui-ci. Mais une telle approche reviendrait à accepter de fait – temporairement, en principe – que la RPDC est, sinon une puissance nucléaire, du moins un pays disposant d’une force nucléaire. Ce qui ne satisferait pas les pays arc-boutés sur le traité de non-prolifération nucléaire, qui verraient dans ce compromis un affaiblissement supplémentaire du multilatéralisme en matière d’armes de dissuasion massive.

A ces réserves s’en ajoute une autre : la sécurité des alliés des Etats-Unis. Dans un entretien à Fox News, Mike Pompeo a déclaré que « faire retomber la menace que fait peser la RPDC sur les Etats-Unis » est l’objectif prioritaire de l’administration Trump. Ce qui semble indiquer un découplage entre les intérêts américains et ceux de ses alliés, qui préoccupe en premier chef le Japon : si la RPDC fait des concessions sur son programme de missiles intercontinentaux (susceptibles d’atteindre les Etats-Unis), elle conservera en revanche ses missiles à moyenne portée qui, eux, sont pointés sur l’archipel.