« Enfants placés, les sacrifiés de la République », de Sylvain Louvet. Disponible sur france.tv. / CAPTURE D'ECRAN / FRANCE 3

LES CHOIX DE LA MATINALE

Cette semaine de replays est placée sous la signe du documentaire avec une collection historique très réussie d’Arte, un numéro de « Pièces à conviction » frappant sur les enfants placés et un grand reportage accablant sur les méthodes de Monsanto pour défendre le glyphosate.

Témoins méconnus du Reich

Ma vie dans l’Allemagne d’Hitler - Extrait
Durée : 01:20

Alors qu’il songeait à réaliser un éventuel documentaire sur la Nuit de cristal, le pogrom contre les juifs orchestré les 9 et 10 novembre 1938 par le pouvoir nazi sur le territoire du Reich, le réalisateur Jérôme Prieur est tombé par hasard, au détour d’un livre, sur une série de témoignages qui en rendaient compte. Ceux-ci étaient issus d’un concours lancé en 1939 par trois professeurs de l’université Harvard. La lettre d’appel du ­concours, intitulé « Ma vie en Allemagne avant et après le 30 janvier 1933 », annonçait sans ambages la couleur : « 1 000 dollars pour ceux qui connaissent l’Allemagne d’avant et après Hitler ! » Destiné à des hommes et femmes ayant connu l’Allemagne dans la décennie précédant l’accession d’Hitler au pouvoir et assisté au passage de la ­démocratie à la dictature, ce ­concours avait vocation à recueillir la parole des exilés du nazisme.

Les quelque 20 000 pages rassemblées à cette occasion ont attendu quatre-vingts ans avant d’être consultées, triées et portées à l’attention du public. Le réalisateur a eu l’idée fructueuse de confronter les extraits de ce corpus à des images de films amateurs des années 1930. Des films qui, par leur modestie, contredisent les images de propagande. C’est une Allemagne que l’on a rarement vue à l’écran, qui se trouve actualisée grâce aux témoignages de ces exilés décrivant l’abîme dans lequel est tombé leur pays à la manière d’un douloureux secret. Samuel Blumenfeld

Ma vie dans l’Allemagne d’Hitler, de Jérôme Prieur (France, 2018, 2 × 53 min). Disponible sur arte.tv jusqu’au 15 mars.

Enfances sacrifiées

Dépressifs, violents, décédés, leurs parents sont dans l’incapacité de les prendre en charge : 341 000 mineurs sont ainsi placés en France par l’aide sociale à l’enfance en foyer d’urgence ou en famille d’accueil, afin de leur garantir un cadre de vie serein­. Parti à la rencontre de ces mineurs, le magazine « Pièces à ­conviction » découvre une ­tout autre réalité. Placé à la naissance, Lyes Louffok, 24 ans, s’est fait connaître en publiant Dans l’enfer des foyers (Flammarion, 2014), dans lequel il révèle les maltraitances qu’il a subies, ballotté de foyers en familles d’accueil. Aujourd’hui membre du Conseil national de la protection de l’enfance, il affirme : « Dans chaque département, je peux signaler un centre en dysfonctionnement. »

Une lettre ouverte titrée « Les enfants sacrifiés de la République » met les journalistes de « Pièces à conviction » sur la piste du foyer d’Eysines, en Gironde, qui héberge 400 jeunes. Deux anciens employés racontent « la violence endémique » qui y règne. Sur les vidéos tournées en caméra cachée, les insultes fusent ; un agent de sécurité brutalise un garçon. Huit milliards d’euros sont distribués chaque année aux départements, décisionnaires sur ce sujet. Mais responsables politiques et sociaux apparaissent dépassés. Catherine Pacary

Enfants placés, les sacrifiés de la République, de Sylvain Louvet (100 min). Disponible sur france.tv.

Enquête sur le glyphosate

"Envoyé Spécial" : comment sortir du glyphosate ?
Durée : 03:58

L’épisode est impitoyable. Dans un parc londonien, assis sur un banc face à un journaliste, un scientifique de renommée mondiale jure ses grands dieux que l’article qu’il a signé dans une revue savante, dédouanant le glyphosate des maux dont il est accusé, n’a pas été amendé par Monsanto. Le journaliste lui tend alors une liasse de documents. Le biologiste s’en saisit, se penche sur les feuillets où sont consignées toutes les interventions des cadres de la firme agrochimique sur son manuscrit : un masque de stupeur et de colère tombe sur le visage du chercheur. Placé devant l’évidence, son regard change. Sa bonhomie s’évapore ; le savant vocifère, demande qu’on coupe la caméra, menace le journaliste, se lève, s’en va. Cette scène est l’une des plus édifiantes du reportage consacré aux procédures en cours aux Etats-Unis contre Monsanto, l’un des sujets de l’édition du 17 janvier du magazine « Envoyé spécial », entièrement consacrée au glyphosate - principe actif du Roundup, l’herbicide-phare de la firme agrochimique.

Tristan Waleckx revient notamment sur les « Monsanto Papers », cet ensemble de documents internes de la firme américaine que Le Monde a commencé à dévoiler au printemps 2017. Les manœuvres de la société, désormais propriété de l’européen Bayer, y sont confirmées, témoignages et images à l’appui – comme cet entretien exclusif avec le jardinier atteint d’un cancer Dewayne « Lee » Johnson, qui a gagné (en première instance) son procès contre la firme, fin 2018. C’est précisément la production, devant le jury populaire, des « Monsanto ­Papers », qui a joué un rôle déterminant dans la condamnation du géant agrochimique. Stéphane Foucart

Glyphosate : comment s’en sortir, présenté par Elise Lucet (France, 2018, 110 min). Disponible sur france.tv.