Un policier en marge d’une manifestation des « gilets jaunes » à Paris, le 15 décembre. / VALERY HACHE / AFP

Au fil des semaines, la polémique sur l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) par les forces de l’ordre pour réprimer les manifestations des « gilets jaunes » a grossi. Pour tenter d’apaiser la situation, les policiers de l’Ain équipés de l’arme tant critiquée porteront sur leur torse une caméra-piéton, samedi 19 janvier à Bourg-en-Bresse, a annoncé le directeur départemental de la sécurité publique.

« Par rapport aux manifestations de début décembre, on a une utilisation du LBD qui diminue et un nombre de personnes qui se déclarent blessées qui augmente », a déploré le commissaire divisionnaire Yves Cellier. « Dans le cadre de cette polémique », les caméras aideront à « voir exactement qui (le policier) désigne, comment il le désigne, à quoi il fait face et le contexte du tir », a-t-il ajouté.

« Aujourd’hui c’est une expérimentation »

La police a enregistré une seule plainte à Bourg-en-Bresse depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » – pour une blessure potentiellement due à un LBD. Mais d’autres manifestants ont affirmé, notamment dans la presse et sur les réseaux sociaux, en avoir été victimes, faisant monter la tension. 

« Bourg-en-Bresse est le théâtre tous les samedis de violences importantes, de dégradations et d’agressions sur les policiers. (…) Le LBD est employé, mais je me suis toujours attaché à avoir une réponse proportionnée et graduée », a fait valoir le responsable policier. « Aujourd’hui c’est une expérimentation. Si c’est concluant, on pourra tout à fait le reconduire sur les prochaines manifestations », a-t-il indiqué, précisant que les policiers « ont accueilli très favorablement cette idée ». Cinq d’entre eux seront concernés par ce nouveau dispositif samedi après-midi.

Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait défendu vendredi l’utilisation par les forces de l’ordre du LBD. « Si vous supprimez les moyens de défense à nos forces de l’ordre, il leur reste quoi ? Il leur reste le contact physique – et il y aura certainement beaucoup plus de blessés – ou il leur reste l’utilisation de leurs armes de poing qui est la solution ultime », a déclaré M. Castaner sur Europe 1. « Il peut arriver que des armes de défense comme le LBD soient mal utilisées », a concédé le ministre, et « dans ce cas nous faisons des enquêtes ». Pour utiliser un LBD, les forces de l’ordre doivent avoir « un agrément », être « formées » et respecter des « règles strictes » qui leur ont été rappelées récemment.

Appel à interdiction

Le ministre réagissait notamment aux déclarations du défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait demandé la veille la suspension de l’utilisation du LBD en raison de sa « dangerosité ». Vendredi, la Ligue des droits de l’Homme a également demandé dans un communiqué, « l’interdiction sans délais de ces armes inadaptées et le retour à un maintien de l’ordre proportionné ».

Alors que le gouvernement ne donne aucun chiffre global des manifestants blessés par LBD, le collectif militant « Désarmons-les » et le journaliste indépendant David Dufresne ont recensé près d’une centaine de blessés graves, en grande majorité par des tirs de LBD, depuis le début de la contestation des « gilets jaunes » en novembre dernier. Une quinzaine d’entre eux ont perdu un œil.

Depuis le début du conflit, il y a eu 81 saisines judiciaires de l’IGPN, la « police des polices », pour « des atteintes diverses qui vont de l’insulte à la blessure grave », a fait savoir Christophe Castaner. Malgré la polémique, le ministère de l’intérieur a lancé le 23 décembre un appel d’offres pour l’acquisition de 1 280 nouveaux LBD.

De la Commune aux « gilets jaunes », pourquoi le maintien de l’ordre est si difficile
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