Marine Le Pen, la chef du Rassemblement national (RN) à son premier meeting en région pour les élections européennes, samedi 19 janvier. / France Keyser pour Le Monde

Marie-Claude Gomis a troqué son « symbole anti-Macron » fluo contre un drapeau français. Un samedi. En deux mois de mouvement, la sexagénaire de Vaucluse n’avait pourtant manqué aucune « marche » du week-end. Au « Xe acte » de la mobilisation des « gilets jaunes », elle a finalement préféré assister au meeting de Marine Le Pen, au Thor (Vaucluse), samedi 19 janvier.

Elle qui passe encore quelques heures par semaine sur « son » rond-point, à une cinquantaine de kilomètres de là, voudrait qu’un « tas de trucs » change en France. « C’est pour ça qu’on est là aujourd’hui, on y croit ! Et ça fera ce que ça fera. » Le compagnon de Marie-Claude acquiesce. Macron qui « gratte tout le monde », les étrangers qui « ont plus d’avantages que nous », les « améliorations gagnées en 68 grignotés d’année en années »... La liste des « ras-le-bol » du couple ne cesse de s’allonger, alors ils votent à l’extrême droite sans réserve, depuis des années. Marie-Claude Gomis confie tout de même une entorse. Un bulletin glissé pour François Hollande, en 2012, et rapidement regretté. « Ah ça, on ne m’y reprendra pas ! »

« Vive les Gilets jaunes »

Dans le même gymnase du Thor où se pressent plus de 500 fidèles marinistes, un gilet jaune dépasse d’une poche de jeans. Des dizaines d’autres ornent les tableaux de bord sur le parking, en signe de ralliement au mouvement de colère sociale lancé le 17 novembre 2018. A l’éternel cri de ralliement frontiste « On est chez nous » se mêlent désormais les « Macron démission » et un « Vive les gilets jaunes » ovationné par la salle.

Le Rassemblement national (RN) l’a bien compris à la tribune. Après avoir ouvert son discours sur les arguments de la théorie d’extrême droite du « grand-remplacement » sans jamais la nommer, la tête de liste pour les européennes de mai, Jordan Bardella, teinte sa tirade anti-immigration de jaune :

« A tous ces Français qui lancent des appels de détresse sur les ronds ponts et qui disent et nous ? nous leur répondons (…) oui, pour nous, c’est, c’était, et ce sera toujours les Français d’abord. »

Des militants RN, lors du premier meeting de Marine Le Pen en région, au Thor (Vaucluse), pour les élections européennes, samedi 19 janvier. / France Keyser pour Le Monde

Pas un seul mot non plus sur l’Europe, ou presque, dans le discours de Marine Le Pen en campagne européenne, et surtout en « campagne pour la France, pour les Français ». Mais plus d’un hommage à la mobilisation des « gilets jaunes » « saine et bienfaisante » « qu’ils en soient félicités, remercié. La France les soutient, l’Europe les regarde ».

Et un responsable pointé : Emmanuel Macron, le « méprisant », évidemment ; Mais surtout l’immigration, accusée de peser sur le budget. Car Marine Le Pen a une nouvelle fois mis en scène l’opposition idéologique, qu’elle a tant théorisée entre immigration et pouvoir d’achat, adossant systématiquement le « SDF Français » au migrant, ou l’aide médicale d’Etat pour les clandestins contre le manque de soins pour les Français…

Nouveaux adhérents

« Le jaune est devenu la couleur du peuple, la couleur de la défense des peuples, » conclut la cheffe de file de l’extrême droite française, avant une scène finale de selfies avec quelques gilets acquis à sa cause. Parmi eux, Gui Paillet montre jusqu’à sa carte d’adhérent — « à jour vous voyez ! » — parce qu’il n’a « rien à cacher » sous son gilet.

Sous sa moustache, son béret et son bagou provençal, le retraité grommelle. « On veut me faire dire que c’est de la récup », mais « que voulez-vous », puisque ses problèmes et ceux de ses copains de rond-point collent parfois — « souvent ! » — aux propositions de Marine Le Pen. D’ailleurs, Gui ne voit pas l’intérêt d’une liste en jaune aux européennes, qui ferait baisser le score de sa favorite. « Quand on va enlever les gilets, tout le monde va revenir à son vote. »

Des militants RN, lors du premier meeting de Marine Le Pen en région, au Thor (Vaucluse), pour les élections européennes, samedi 19 janvier. / France Keyser pour Le Monde

Alors aujourd’hui, il a ramené quelqu’un au meeting du RN : Dominique, avec qui il « tient » le rond-point des melons, à Cavaillon. A ses côtés, le nouveau venu sourit timidement. Il n’a « pas bien l’habitude » de ce genre de rendez-vous politique, mais « c’est vrai qu’elle dit des trucs bien. » Aux européennes, Dominique pourrait même bien voter pour elle. « Parce qu’il faut bien essayer quelque chose, pour sortir de toute cette galère. »