Kadidiatou Diani exulte : elle vient d’ouvrir le score face aux Etats-Unis. / David Vincent / AP

A quoi reconnaît-on l’approche d’un grand tournoi? Plusieurs indices ont permis aux joueuses de l’équipe de France de réaliser que le compte à rebours avant l’ouverture du Mondial 2019 (organisé du 7 juin au 7 juillet) était lancé. Cette semaine, à leur arrivée à leur quartier général de Clairefontaine (Yvelines), elles ont déjà été accueillies par un nombre inhabituel de caméras de télévision. « Il y a plus de journalistes. On sent que ça vient petit à petit. C’est une année charnière pour le football au féminin », constate Wendie Renard, défenseuse emblématique des Bleues.

Samedi 19 janvier, au stade Océane du Havre, en guise de premier match de préparation, elles ont eu l’honneur d’affronter, et d’écraser (3-1), les championnes du monde en titre, les Américaines. Un adversaire pas anodin, qui plus est dans la sous-préfecture de Seine-Maritime, dont le club local est présidé par un businessman made in USA du nom de Vincent Volpe.

« L’équipe des Etats-Unis a une grande histoire (3 titres mondiaux et 4 JO), mais on ne rougit pas devant elle. On écrit la nôtre. Demain, on va se mettre en mode coupe du monde, avait prévenu la veille, la capitaine Amandine Henry.

Plus combatives, plus en jambes et supérieures techniquement, ses coéquipières ont entendu le message : dès la 9e minute, le déboulé de Delphine Cascarino, suivi d’une merveille de centre en retrait permettait à Kadidiatou Diani d’ouvrir le score. Une belle collaboration entre une joueuse lyonnaise et une joueuse du PSG, les deux places fortes du football féminin français.

Cascarino- aucun lien de parenté avec Tony, l’ancien buteur irlandais de l’Olympique de Marseille- infligeait un calvaire à la latérale gauche américaine, Emily Fox. Du côté de l’équipe des Etats-Unis, peu en jambes -il faut dire que leur championnat ne reprend qu’en avril- seule l’attaquante Christen Press parvenait à se distinguer en première période. Les occasions françaises se multipliaient, à l’image de Diani par deux fois (40e et 41e) ou d’Eugénie Le Sommer, seule, qui manquait le cadre d’un souffle à l’entame de la deuxième période (50e).

Des buts inscrits par des joueuses du PSG

Finalement, c’est encore Kadidiatou Diani, alignée au poste d’avant-centre alors qu’elle joue d’habitude ailière, qui allait doubler la mise. Son centre tir terminait dans la lucarne opposée de la gardienne Alyssa Naeher (57e, 2-0). Les Bleues étouffaient dans l’œuf le semblant de révolte américaine et tuaient tout suspense grâce à la remplaçante Marie-Antoinette Katoto (78e, 3-0), une autre joueuse parisienne (meilleure buteuse de D1 avec 17 réalisations). La réduction du score de Mallory Pugh n’était qu’anecdotique (91e, 3-1).

A un peu moins de six mois du match d’ouverture de la prochaine Coupe du monde face à la Corée du Sud, cette rencontre de prestige face à la meilleure nation du foot au féminin, s’est jouée à guichets fermés, c’est-à-dire 22 870 spectateurs selon un communiqué de la Fédération française de football. L’impression visuelle allait plutôt en ce sens même si quelques dizaines de sièges restaient vides. Un public mixte, femmes et enfants bien représentés, a bravé un froid mordant et assuré une belle ambiance. Une réussite lorsque l’on sait que l’équipe professionnelle du HAC évolue devant 6 700 supporteurs en moyenne en Ligue 2.

Médiatisation et affluence sont-elles les preuves d’un engouement ? « C’est toujours dommage d’avoir attendu 2019 pour voir autant de journalistes [cent accrédités]. La prochaine fois, j’espère qu’on en aura 200, a relevé malicieusement la sélectionneuse Corinne Diacre avant le match, 22 000 spectateurs c’est bien mais il faut que tous soient des supporteurs. C’est la 12e femme. Je ne suis pas inquiète, l’engouement sera là pour la Coupe du monde. Le comité d’organisation a choisi des stades à taille humaine. »

A.H

A deux heures du coup d’envoi, la foule, encore peu nombreuse, profitait des animations mises en place pour l’occasion. Une jeune fille, vêtue du survêtement de son club, réussissait du premier coup à toucher le centre de la cible lors d’un atelier de précision, là où un adulte venait d’envoyer le ballon dans les airs. « On est parti pour l’équipe de France dans pas longtemps. Elle est championne de Vendée », triomphait la maman alors que sa talentueuse progéniture, gênée, se faisait toute petite.

Etrange soucoupe bleue, posée le long de la voie ferrée, juste en face du désuet mais mythique stade Deschaseaux, l’enceinte havraise, inaugurée en 2012, accueillera sept affiches du Mondial. De quoi justifier la présence en ville d’une invitée de marque, la mascotte de la compétition, un volatile prénommé Ettie. En pleine tournée promotionnelle, cette dernière, propre fille de Footix [célèbre mascotte du Mondial 1998], s’est essayée au BMX sur une plage municipale.

Les Aventures d'Ettie : Le Havre en Vélo (EN FRANÇAIS)
Durée : 01:34

Ailleurs en ville, la présence de deux des meilleures équipes du monde (numéro 1 et numéro 3 au classement FIFA) se faisait discrète. Quelques affiches publicitaires annonçant la rencontre et les bus décorés de deux petits drapeaux discrets, l’un français et l’autre américain. Aux Docks Vauban, bâtiments industriels réhabilités, une exposition itinérante sur l’histoire des Bleues était inaugurée avant le match en présence de deux ex-internationales : Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF et vice-présidente du Comité d’organisation du Mondial, et Laura Georges, secrétaire générale de la FFF.

La revanche en quarts du Mondial ?

Sur le terrain, l’opposition a été à la hauteur de l’attente suscitée. « Ce sont deux très bonnes équipes, compétitives. Il est très important pour nous de jouer la France avant la Coupe du monde. Le public sera ravi de voir autant de joueuses de classe mondiale », avait prédit Jill Ellis, la sélectionneuse de Team USA.

Les Bleues n’étaient également pas avares de compliments envers leurs adversaires d’outre-Atlantique. « Ils ont un réservoir énorme. Quand une nouvelle joueuse arrive, on ne voit pas la différence… », expliquait, Wendie Renard, admirative. Selon sa coéquipière Gaëtane Thiney, les Etats-Unis sont « un rouleau compresseur », « au mental de fer » et à « la positive attitude ».

L’une des vedettes américaines, Carli Lloyd, l’attaquante vétérante de 36 ans aux 105 buts, qui est entrée samedi à vingt minutes de la fin, savourait le déplacement la veille de la rencontre : « Jouer ici, face au pays hôte, voir ce stade où l’on jouera [Suède - Etats-Unis, le 20 juin], c’est une excellente manière de débuter l’année. ça donne un avant-goût de ce que sera le Mondial. » Elle a certainement moins aimé le résultat mais aura l’occasion de prendre sa revanche.

Les joueuses américaines sont déçues par la défaite de leur équipe. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

En effet, les deux nations, si elles terminent en toute logique première de leur groupe respectif, devraient se retrouver dès les quarts de finale, le 28 juin, au Parc des Princes. Une perspective qui demeure inquiétante pour les Françaises, dont l’historique est toujours largement défavorable face aux Etats-Unis malgré la bonne série en cours (1 nul et 2 victoires).

En 25 matchs, les Américaines se sont imposées à 17 reprises pour seulement 5 succès tricolores. En compétition officielle, le ratio de victoire est même de 100 % : trois succès acquis lors de la demi-finale du Mondial 2011 (3-1), celle des JO 2012 (4-2) et lors du premier tour des JO 2016 (1-0).

Ces statistiques n’empêchent pas Corinne Diacre de trouver le sommeil. L’ancienne défenseuse aux plus de 120 sélections fera tout pour éviter certains écueils : « ça fait un an et demi sans match officiel (qualification d’office). C’est un peu long. Il ne faut pas faire l’erreur de jouer la compétition avant. Les sportifs le savent bien. Il faut être patient… » Nul doute que l’exigeante sélectionneuse ne laissera pas ses protégées s’endormir sur leurs lauriers.