Le siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 18 janvier. / YVES HERMAN / REUTERS

Pas d’accord en vue : vendredi 18 janvier, les négociations du « trilogue » (Commission européenne, Parlement européen et le conseil des Etats-membres de l’Union) sur le texte final de la directive « droits d’auteur » n’ont pas abouti. Une session de discussions prévue ce lundi 21 a été ajournée sine die.

Les négociations au sein du trilogue devaient porter sur la formulation définitive de la directive européenne sur les droits d’auteur, adopté le 12 septembre après un premier vote négatif en juillet. Cette directive doit moderniser et harmoniser de nombreux aspects du droit d’auteur dans l’Union européenne.

Les nouvelles négociations sur la directive européenne devraient, au mieux, prendre plusieurs mois. En plus de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, de la Finlande et de la Slovénie, qui s’étaient déjà opposés à une précédente version du texte, la version issue du « trilogue » a été, cette fois-ci, rejetée par l’Italie, la Pologne, la Suède, la Croatie, le Luxembourg et le Portugal.

Les organisations de défense des libertés numériques et du logiciel libre se sont réjouies de ce nouveau revers pour cette directive, qualifiée par l’organisation April de « texte liberticide ».

Deux articles de ce texte, en particulier, ont concentré depuis plus d’un an les désaccords et les efforts de lobbying :

  • L’article 11, qui peut conduire à instaurer un « droit voisin » dont pourront se réclamer les entreprises de presse. Il pourra contraindre les grandes plates-formes du numérique à rémunérer les médias lorsqu’elles affichent des extraits d’articles ou de vidéos sur leurs services. L’article vise plus particulièrement les agrégateurs comme Google actualités.

  • L’article 13 vise à contraindre les grandes plates-formes d’Internet (Google, YouTube, Facebook…) à négocier des accords avec les titulaires de droits. Ce qui est déjà largement le cas, mais les ayants droit estiment que ces accords leur sont défavorables.

Intenses campagnes de lobbying

Pour ces deux articles, la formulation définitive du texte revêt une importance capitale : elle conditionnera les modalités des réglementations auxquelles seront soumises les acteurs du milieu.

YouTube, qui a mené ces derniers mois une campagne de lobbying inédite incitant ses utilisateurs à se mobiliser contre l’article 13, estime que la formulation adoptée par les eurodéputés le contraindrait à bloquer préventivement des millions de vidéos, afin qu’elles ne contreviennent pas au respect du droit d’auteur : ce qui nuirait à la liberté de créer et poster des vidéos en ligne sur la plate-forme. Les ayants droit arguent, de leur côté, qu’un adoucissement de la formulation de l’article 13 reviendrait à vider la directive de sa substance et ne serait plus suffisamment contraignant pour les géants du numérique.

Un débat similaire a lieu sur l’article 11 : la semaine dernière, Google a volontairement tronqué ses résultats de recherche pour « montrer » ce à quoi ressemblerait son service, selon l’entreprise, si le texte n’était pas amendé. De leur côté, les principales associations d’ayants droit, dans la musique, le cinéma ou la presse, ainsi que les eurodéputés défendant le texte, ont de nouveau publié des tribunes et dénoncé un « détournement » des débats par les géants du numérique.