Six ans après le retentissant scandale de la viande de cheval vendue comme du bœuf en Europe, le procès de quatre hommes soupçonnés d’avoir participé à l’escroquerie, dont deux anciens dirigeants de l’entreprise Spanghero, s’ouvre ce lundi 21 janvier à Paris.

L’affaire, d’ampleur internationale, avait éclaté début 2013 au Royaume-Uni. Après une inspection en Irlande du Nord, qui met au jour un problème d’étiquetage et d’emballage sur un stock de viande surgelée, les autorités sanitaires britanniques remontent la filière.

Des lasagnes contaminées

Les supermarchés Tesco, Iceland et Lidl découvrent de la viande de cheval dans leurs steaks hachés supposés au bœuf. Inquiètes, beaucoup d’usines agroalimentaires en Europe ont alors commencé à effectuer des tests. Fin janvier, le grand groupe suédois Findus est alerté par son sous-traitant, le français Comigel : ses lasagnes sont contaminées, jusqu’à 100 % dans certains cas.

Comigel fabrique des plats préparés pour au moins vingt-huit entreprises dans treize pays, dont différents gros distributeurs, tels que Picard, Carrefour, Auchan, Monoprix, etc. Son fournisseur de pain de viande est aussi français : Spanghero, implantée en Occitanie.

Même si toute la viande de cheval retrouvée dans des plats pur bœuf à l’époque du scandale n’a pas transité par cette entreprise, celle-ci a été accusée par le gouvernement d’avoir sciemment trompé ses clients.

Quatre hommes doivent comparaître, principalement pour tromperie et escroquerie en bande organisée : un ancien dirigeant de l’ex-société de transformation des viandes Spanghero, Jacques Poujol, l’ancien directeur du site, Patrice Monguillon, et deux négociants néerlandais, Johannes Fasen et Hendricus Windmeijer.

Ils sont notamment soupçonnés d’avoir trompé Tavola, la filiale luxembourgeoise du groupe Comigel, en lui vendant en 2012 et début 2013 plus de 500 tonnes de viande chevaline présentée comme du bœuf. En parallèle de cette activité de négoce, Spanghero elle-même a écoulé plus de 200 tonnes de cheval, essentiellement sous forme de merguez au bœuf, mais aussi de plats préparés.

Des étiquettes modifiées

Leur méthode ? Changer l’étiquetage de la viande. Le trader Fasen, dont les affaires passaient par Chypre et la Roumanie dans un contexte de guerre des prix, a vendu du cheval à Spanghero en effaçant toute référence à cette espèce dans les documents transmis, à l’exception d’un code douanier. Il venait d’être condamné en 2012 aux Pays-Bas pour une autre fraude sur la viande de cheval.

De son côté, Spanghero est accusée d’avoir commercialisé cette viande sous la mention « avant de bœuf désossé », en sachant pertinemment qu’il s’agissait de cheval, moins cher sur le marché, et d’avoir modifié les étiquettes de manière à faire croire qu’elle était découpée et travaillée sur place alors qu’elle venait de Roumanie, de Belgique ou du Canada.

Cette vaste escroquerie a pu prospérer sur des contrôles insuffisants. Si elle n’a pas été inquiétée, la société de plats préparés Tavola s’est tout de même vu reprocher sa négligence.

Ce scandale alimentaire – mais pas sanitaire – avait révélé la complexité et l’opacité des circuits d’approvisionnement et de transformation. Les abattoirs ne vendent plus des carcasses, mais désassemblent les animaux pour en valoriser au mieux chaque partie. Ils fabriquent aussi le fameux « minerai » – une masse agglomérée de 10 à 25 kg de chutes de découpe et de tissus graisseux –, devenu matière première pour les plats cuisinés des industriels.

Et sous la pression de la distribution, les industriels ont une obsession : réduire les coûts, quitte à multiplier les sous-traitances pour assembler les produits, et à recourir aux services de traders chargés de négocier les « pièces » au meilleur prix.

Les débats du procès, qui s’annoncent techniques, devraient débuter par une bataille de procédure. Les audiences sont prévues du lundi au mercredi jusqu’au 13 février.