Un drone DJI en démonstration au CES de Las Vegas, en 2016 / John Locher / AP

Les déconvenues des fabricants de drones de loisir se suivent mais ne se ressemblent pas. Fin novembre, le français Parrot, numéro un européen, annonçait des pertes abyssales de 51 millions d’euros. Mi-janvier, c’est le numéro un mondial chinois qui reconnaît avoir perdu 130 millions d’euros à cause d’une vaste opération de fraude échafaudée par certains de ses salariés. DJI a annoncé vendredi 18 janvier avoir découvert de multiples cas de corruption en son sein, qui impliqueraient d’ores et déjà 45 salariés. L’affaire pourrait cependant s’étendre et concerner une centaine de personnes, estime la société, qui a précisé que 16 cas font l’objet d’une enquête de police et que 29 salariés ont été licenciés.

Les faits auraient touché le service des achats dont certains employés se seraient entendus avec des fournisseurs sur des prix artificiellement gonflés – jusqu’à deux à trois plus élevés que la concurrence, selon DJI – en échange de pots-de-vin. « DJI ne tolèrera pas la corruption (...) et ne cessera pas son développement à cause de la corruption » a affirmé un de ses porte-parole à l’Agence France-Presse. Non sans ajouter que ces premières investigations pourraient bien ne constituer que « la partie émergée de l’iceberg ».

L’affaire, mise au jour semble-t-il par la compagnie lors d’une banale révision de ses procédures de gestion, recouvrirait un manque à gagner de 500 millions de yuans, soit 130 millions d’euros. Le préjudice, pour cette firme emblématique de la Silicon Valley chinoise sise à Shenzhen, risque d’aller bien au-delà du seul domaine financier. DJI (Da Jiang Innovation) s’est bâti depuis sa création en 2008 une enviable renommée mondiale, grâce au large succès rencontré par ses drones de loisir. La firme, fondée par Frank Wang, un passionné de modélisme transformé en geek, se pose volontiers en « Apple chinois ». Une société capable de fabriquer des produits de haute technologie mais aussi de grande qualité, à rebours de la réputation qui colle parfois aux produits « made in China ».

La culture du secret de DJI

En multipliant les lancements de nouveaux drones et en entretenant une guerre des prix permanente, notamment sur le marché américain, le géant chinois a neutralisé ses principaux rivaux, dont le principal outsider, Parrot. Jouissant d’une aura qui lui a permis de conquérir plus des deux tiers du marché mondial des drones de loisir mais aussi de prendre largement pied sur celui des drones destinés à un usage professionnel, DJI doit reconnaître publiquement un scandale de corruption alors qu’il a toujours cultivé le secret. La société ne diffuse pas ses comptes, a toujours refusé de communiquer sur son chiffre d’affaires et c’est tout juste si l’on sait qu’elle emploie 12 000 salariés et compte en recruter encore quatre mille cette année. En position dominante, DJI s’est par ailleurs attiré les foudres de l’US Army, qui avait, à l’été 2017, interdit le recours à ses drones, redoutant que des données puissent, par leur intermédiaire, être communiquées aux autorités de Pékin.

Le mea culpa de DJI s’inscrit dans une série de cas de corruption touchant des entreprises chinoises de la tech. Didi Chuxing (service de réservation de voitures avec chauffeur) affirme avoir découvert plus de 60 cas de corruption au sein de son personnel l’an dernier et, selon les médias chinois, la démission d’un président de la plateforme Youku 5 (propriété du géant de l’e-commerce Alibaba), Yang Weidong, serait consécutive à des soupçons de corruption.