Le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, à Paris, le 16 janvier. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM, va-t-il réussir là où ses deux prédécesseurs, Alexandre de Juniac puis Jean-Marc Janaillac, ont échoué ? Après s’être attiré les bonnes grâces des syndicats d’hôtesses et de stewards d’Air France, début janvier, en enterrant la filiale à bas coûts Joon et en acceptant de réintégrer au sein de la compagnie les personnels navigants commerciaux de ladite filiale, il n’est pas loin de trouver un accord avec le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Comme l’a évoqué La Tribune, lundi 21 janvier, les pilotes accepteraient, moyennant une augmentation de leur rémunération, d’accompagner la montée en gamme prônée par M. Smith pour développer Air France.

Pour le dirigeant de la compagnie franco-néerlandaise, son salut passe par la mise en œuvre d’une stratégie axée sur le « premium », à savoir la ­conquête de passagers « à haute contribution », principalement ceux des classes affaires et Premium Economy. En pratique, l’augmentation, inférieure aux 4,7 % réclamés par le SNPL, viendra s’ajouter aux 4 % (versés en deux fois 2 %) déjà accordés par Air France à ses salariés. En échange, les pilotes d’Air France devront changer l’unité de mesure qui permet de comparer l’activité de leur compagnie à celle de KLM. Jusqu’à présent, elle s’exprimait en nombre de sièges au kilomètre offert, le fameux indicateur SKO.

Néanmoins, ce critère se heurte à la stratégie premium décidée par M. Smith pour Air France et KLM. Le directeur général souhaite réduire le nombre de sièges de classe économique des long-courriers d’Air France pour y installer plus de fauteuils de classe affaires. A l’inverse, il veut densifier les cabines des avions de KLM, en augmentant le nombre des sièges de classe économique, et réduire la place consentie aux passagers « à haute contribution ». Une politique dictée par la quasi-saturation de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, le hub de KLM.

In fine, il y aurait moins de passagers, mais plus rentables chez Air France, et plus de sièges disponibles chez KLM, faute de pouvoir augmenter la taille de la flotte – une sorte de partage des tâches. Corollaire : Air France deviendra la compagnie premium du groupe, tandis que KLM se consacrera essentiellement aux vols loisirs.

« Une marque très puissante »

Pour obtenir l’aval des pilotes, M. Smith serait disposé à leur garantir qu’ils continueront de disposer de long-courriers gros porteurs comme les A350 d’Airbus ou les 777 de Boeing. Grâce à cette méthode, « les coûts d’Air France vont augmenter, mais les revenus aussi », veut croire Jean-Louis Barber, ancien président du SNPL et l’un des mieux élus, en décembre, à l’occasion du scrutin destiné à renouveler le conseil du syndicat.

Tous les pilotes ne partagent pas cet avis. Il y aura « une perte d’activité », dénonce Philippe Evain, lui aussi ex-président du SNPL. Il redoute « qu’en cas de retournement de conjoncture les premiers passagers que l’on [perde], ce [soient] les clients “à haute contribution” ». C’est ce qui s’était passé lors de la crise économique de 2008. A l’époque, toutefois, l’offre d’Air France n’était pas à la hauteur, rétorque M. Barber. Selon lui, « Air France est une marque très puissante », qui peut gagner son pari avec une offre de qualité.

Enfin, pour être définitivement accepté, le projet d’accord doit être présenté au conseil du SNPL, mercredi 23 janvier, avant d’être soumis aux adhérents du syndicat. Un vote favorable de leur part témoignerait d’une révolution culturelle chez les pilotes. En effet, ces derniers devront renoncer à l’une des revendications qu’ils portent depuis des années : le rééquilibrage, en faveur d’Air France, de l’activité avec KLM.