Manifestation antigouvernementale à Omdourman, ville voisine de la capitale soudanaise Khartoum, sur l’autre rive du Nil, le 18 janvier 2019. / AFP

De nouvelles manifestations ont été organisées lundi 21 janvier au Soudan, pays secoué par une vague de contestation contre le pouvoir, afin de commémorer les victimes de la répression. Dans la journée, près de 150 médecins ont organisé un rassemblement silencieux devant un hôpital de la capitale Khartoum, pour protester contre la mort d’un confrère tué la semaine précédente lors d’une manifestation antigouvernementale, ont indiqué des témoins. Dans la soirée, toujours selon des témoins, des centaines de personnes se sont réunies à Omdourman, ville voisine de la capitale, sur l’autre rive du Nil, en souvenir d’un autre manifestant tué.

Depuis le 19 décembre, la vague de contestation au Soudan a fait 26 morts, dont deux membres des forces de sécurité, selon un bilan officiel. Des ONG internationales comme Human Rights Watch et Amnesty International évoquent, quant à elles, 40 morts dont des enfants et du personnel médical.

La contestation a été déclenchée mi-décembre par une hausse des prix du pain et des médicaments, dans ce pays en plein marasme économique. Les manifestations se sont ensuite transformées en rassemblements quasi quotidiens, appelant au départ d’Omar Al-Bachir, au pouvoir depuis un coup d’Etat en 1989.

« Tuer un médecin, c’est tuer la nation »

Un comité de médecins membre de l’Association des professionnels soudanais, un groupe en première ligne de la contestation, avait annoncé la mort d’un médecin le 17 janvier lors de heurts entre des manifestants et la police dans le quartier Buri, dans l’est de Khartoum. Lundi, les médecins, certains revêtant leurs blouses blanches, se sont rassemblés devant l’hôpital Ahmed Al-Gassib, où travaillait leur confrère tué. Ils ont brandi des pancartes sur lesquelles étaient écrits des slogans comme « Nous sommes tous Babikir » (du nom du docteur tué) et « Tuer un médecin, c’est tuer la nation ». Les médecins sont restés silencieux à mesure que des forces de sécurité se déployaient autour de l’hôpital, ont rapporté des témoins.

A Omdourman, le rassemblement a coïncidé avec la sortie du corps d’un manifestant de l’hôpital où il a succombé. « Il a été blessé jeudi, mais aujourd’hui [lundi] il est mort à l’hôpital », a confirmé dans un communiqué un comité de médecins de l’Association des professionnels soudanais. « Les gens chantent “Liberté ! Liberté !” et “Renversez-le ! Renversez-le !”, alors qu’ils se rassemblent pour les funérailles », a déclaré à l’AFP un témoin.

Vendredi, Sarah Jackson, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, avait dénoncé le fait que « les forces de sécurité soudanaises continuent d’utiliser la force létale contre des manifestants et contre des médecins ». Mais le président Al-Bachir a nié ces accusations et a affirmé dimanche que le médecin mort jeudi avait été tué par quelqu’un qui se trouvait « parmi les manifestants ». Des manifestations nocturnes sont prévues à Khartoum et Omdourman mardi, et dans d’autres villes du pays jeudi.

Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le pays est confronté à une inflation annuelle de près de 70 %. Plusieurs villes souffrent de pénuries de pain et de carburant, tandis que le prix de la nourriture et des médicaments a plus que doublé.