Félix Tshisekedi, vainqueur de la présidentielle congolaise, le 21 décembre 2018, lors d’un meeting de campagne à Kinshasa. / LUIS TATO/AFP

Il aura fallu bien du temps à l’Union européenne (UE) pour réagir officiellement à la confirmation des résultats des élections en République démocratique du Congo (RDC), qui ont vu l’accession à la présidence de Félix Tshisekedi. Un résultat vivement contesté par son principal rival, Martin Fayulu, qui a appelé les dirigeants étrangers à ne pas reconnaître cette victoire. Mardi 22 janvier, à l’issue d’une réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE et de leurs homologues de l’Union africaine (UA), la haute représentante Federica Mogherini a enfin livré un commentaire au nom des Vingt-Huit.

Plus question des « doutes sérieux » quant à la victoire du futur président Tshisekedi sur son opposant. Cela, c’était le verbatim la semaine dernière, avant la confirmation des résultats par la Cour constitutionnelle, à Kinshasa, dimanche 20 janvier. Si la France avait, très vite et très fort, mis en cause les résultats du scrutin et si la Belgique l’avait fait aussi, mais plus sobrement, l’UE s’en tiendra, elle, à une ligne modérée. Qui ne rappelle même plus – ou alors avec seulement des sous-entendus – le grand scepticisme qui régnait au lendemain du scrutin.

Mardi, Mme Mogherini a salué la tenue d’élections qui sont, dit-elle, « une avancée majeure » avec laquelle le peuple congolais a pu exprimer sa « volonté de changement ». Les Européens ont, par ailleurs, « pris note » de la décision de la Cour constitutionnelle. Difficile, sans doute, de contester celle-ci sans s’exposer à des accusations d’ingérence, même si des informations parvenues à Bruxelles jettent un trouble évident sur le déroulement du scrutin. En clair, les interrogations subsisteront mais, faute d’éléments objectifs et de preuves irréfutables, impossible de ne pas reconnaître la légitimité de M. Tshisekedi.

Approche prudente et appel au calme

Après la concertation que Mme Mogherini tenait à organiser avec les ministres de l’Union africaine – laquelle a renoncé à envoyer une mission à Kinshasa, comme cela avait été évoqué la semaine dernière – les Européens ont donc choisi l’approche prudente et l’appel au calme. Ils invitent le nouveau président à prendre en compte « les défis majeurs » auxquels son pays est confronté : la situation politique, sociale, économique, ainsi que les questions de gouvernance. M. Tshisekedi est aussi convié à rassembler ses concitoyens et à dialoguer avec les autres pays africains, ses voisins notamment.

L’UE, insiste Mme Mogherini, veut rester un partenaire important, surtout soucieuse du sort de la population. Elle lui apporte, entre autres, une importante aide humanitaire et participe à la formation des forces armées et de la police. « Avoir un ambassadeur sur place nous aiderait », glisse en conclusion Mme Mogherini. Une allusion au fait que le chef de la délégation européenne à Kinshasa, le diplomate belge Bart Ouvry, avait été sommé, à la fin décembre, de quitter Kinshasa. Une réponse à la décision de l’UE de prolonger des sanctions visant quatorze personnalités congolaises, dont le candidat du pouvoir à la présidentielle, Emmanuel Ramazani Shadary.

Celui-ci a vu ses avoirs et son visa gelés pour « de sérieuses violations des droits de l’homme » lors de la répression qui a suivi des manifestations contre le président Joseph Kabila, entre la fin de 2016 et le début de 2018. « Rien ne saurait justifier cet acte arbitraire » avait déclaré, à l’époque Mme Mogherini. Qui n’a pas répondu, mardi, à une question embarrassante : l’UE assistera-t-elle, oui ou non, à la cérémonie d’investiture du nouveau président ?