Avis de tempête médiatique sur le stade Henry-Longuet. Une quinzaine de journalistes arpente le stade bucolique avec sa vue imprenable sur ce lac où un grillage empêche les ballons de finir leur trajectoire à la moindre frappe mal ajustée. Les taupes investissent encore la pelouse grasse de l’Entente Sportive Viry-Châtillon. « Contre Angers, c’étaient des taupes bodybuildées », ironise un des joueurs. Afin de soulager ce qui tient davantage du champ de patates que d’une pelouse anglaise, les locaux s’entraînent exclusivement sur la pelouse synthétique contiguë.

Le terrain « d’honneur » n’est utilisé que pour les grandes occasions comme lors du 32e de finale et cette victoire historique face aux SCO d’Angers (1-0 le 5 janvier), pensionnaires de Ligue 1 tombés entre les trous et les faux rebonds d’Henry-Longuet. Pour qu’une équipe d’amateurs évoluant en Régional 1 (6e division) réalise une telle performance, il faut mélanger quelques ingrédients : un adversaire encore un peu vacances après les fêtes, un gardien en état de grâce, un but marqué à l’issue d’un cafouillage et un terrain compliqué pour niveler la valeur des deux équipes.

Et si la recette fonctionnait une nouvelle fois ? Toute une ville y croit pour la réception ce mercredi 23 janvier à 18 h 30 de Caen (16e en petite forme de Ligue 1) lors des seizièmes de finale de la compétition. Au-delà de la répétition de l’exploit, il s’agirait d’une renaissance inattendue pour un club éprouvé par un été très compliqué avec une relégation sportive en National 3 puis une rétrogradation administrative par la DCNG en Régional 1.

80 % de départs à l’intersaison

Le gendarme financier du football français a sanctionné le club essonnien en proie à des difficultés financières depuis plusieurs années. Après 33 saisons au niveau national, le club dirigé par Pascal Mazeau a retrouvé l’échelon régional avec amertume. « A mon arrivée en août 2009, il y avait un déficit de 350 000 euros que l’on comblait petit à petit chaque année et la DNCG nous a allumés cet été alors qu’il restait seulement 14 000 euros de perte », avance, médusé, le président du club.

A la tête d’EGID, une entreprise d’électricité industrielle, le dirigeant (en poste depuis dix ans) a subi la décision tardive de la DNCG tombée au cœur du mois de juillet sans avoir beaucoup de recours pour négocier des contrats ou chercher des sponsors. « La descente en R1 nous a fait perdre 50 % des revenus que l’on percevait grâce aux sponsors et a engendré une baisse notable de subventions accordées au club par la mairie ou le conseil départemental. »

Avec cette relégation en R1, Viry-Châtillon a perdu gros financièrement mais surtout sportivement. L’entraîneur de l’équipe première, Walid Aichour a dû composer avec une vague de départs à l’intersaison : « 80 % de nos joueurs sont partis l’année dernière, mais certains sont restés grâce à la forte personnalité et l’aura de Walid Aichour », explique Pascal Mazeau.

Miguel Smeralda mène l’attaque pour Viry-Châtillon (en jaune). / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

En poste depuis 2013, Aichour est conscient des lacunes de son effectif actuel : « J’ai des joueurs intrinsèquement moins forts que l’an passé, mais on a sensibilisé le groupe sur d’autres valeurs comme la solidarité et la cohésion de groupe. » Celui qui est au club depuis douze années et qui jouait sous les couleurs jaunes et vertes de l’ESVC, en est d’autant plus fier et ressent « un sentiment de fierté » envers ses joueurs, mais aussi de « reconnaissance » à l’égard du club et de la ville.

L’ES Viry-Châtillon, club historique francilien qui a connu son heure de gloire avec une saison en deuxième division lors de l’exercice 1982-1983, était surtout réputé pour sa formation de jeunes talents à l’instar des internationaux Paul-Georges Ntep et surtout Thierry Henry, passé par l’Essonne entre 1991 et 1992.

Aujourd’hui, le club mise de nouveau sur la jeunesse, notamment la génération prometteuse des moins de 19 ans. Magloire Mbimbe, meilleur buteur actuel de l’équipe seniors toutes compétitions confondues, incarne cette relève et vit « un rêve éveillé auquel il a toujours du mal à croire ».

Un gardien de 39 ans face à Angers

La magie de la Coupe est une chose, mais Pascal Mazeau n’oublie jamais de rappeler l’objectif du club à ses joueurs. « Quelques jours après la qualification, je suis allé dans le vestiaire pour leur dire que la remontée en N3 était l’objectif prioritaire, au contraire, de la Coupe, qui est une parenthèse agréable avec la présence des télévisions mais qui ne va pas durer. » La victoire étriquée (0-1) en R1 sur la pelouse des Lilas, vendredi dernier, a ainsi dû lui donner entière satisfaction.

Seul bémol : le gardien Vincent Da Silva, héros du match face à Angers, a été expulsé suite à une échauffourée avec l’attaquant adverse et sera suspendu pour la réception de Caen. Celui qui est quotidiennement manutentionnaire dans le fromage au marché de Rungis sera remplacé dans les buts par un coach sportif spécialisé dans le cross fit. Loïc Thenault, 39 ans, va, de ce fait, disputer la rencontre tant attendue et, par la même occasion, ses premières minutes de jeu de la saison : « Je reviens d’une grosse blessure à la cuisse qui m’a écarté des terrains depuis cet été, j’espère que ça va tenir », annonce celui qui a disputé au cours de sa longue carrière près de 300 matchs de N1.

Pour Ali Baouz, le rendez-vous face à Caen aura également une saveur particulière. Suspendu contre Angers, le défenseur central espère montrer toutes ses qualités dans un rendez-vous de grande envergure : « C’est à l’entraîneur de décider mais s’il fait appel à moi pour être titulaire, je préviens mes amis caennais que je vais être très difficile à passer », promet celui qui a renoncé au centre de formation du Chievo Vérone pour favoriser son parcours scolaire, à la demande de ses parents.

Echaudés par l’exemple angevin, les Caennais ont intérêt à réviser leurs devoirs. A Viry-Châtillon, on a très vite fait de finir au fond du lac, si on pénètre sur la pelouse du stade Henry-Longuet sans un minimum d’implication.