Le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa (à gauche), et le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Ryder, lors de la présentation du rapport de l’OIT sur l’avenir du monde du travail, à Genève, le 22 janvier. / Reuters Staff / REUTERS

Quels seront les défis que devra relever le monde du travail demain ? Alors qu’elle fête ses 100 ans cette année, l’Organisation internationale du travail (OIT) présente des propositions afin de « travailler pour bâtir un avenir meilleur », ainsi que l’indique le titre du rapport qu’elle a présenté à Genève, mardi 22 janvier. L’enjeu est d’importance pour l’institution, née en 1919 au lendemain de la première guerre mondiale et qui, à présent, regroupe sous une forme tripartite unique au sein des Nations unies 187 Etats membres avec représentation des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour chacun d’eux.

Un siècle après avoir écrit dans sa Constitution que son objectif était d’atteindre « la plénitude de l’emploi et l’élévation des niveaux de vie », « une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs », ou que « la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous », force est de constater que le chemin à parcourir est encore long. « Est-ce à dire que rien n’a été fait ? Non. Le monde du travail n’est pas comparable aujourd’hui à ce qu’il était au début du XXe siècle, a fait valoir au Monde Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. Mais les défis demeurent en partie les mêmes. Il reste beaucoup à faire. »

L’intérêt du rapport, qui brosse un tableau des nouvelles formes du travail et des conséquences qu’elles impliquent en matière de réponse politique et sociale, est de partir d’un constat sans concession : 190 millions de personnes au chômage en 2018 – dont 65 millions de jeunes –, 300 millions de travailleurs pauvres (c’est-à-dire vivant avec moins de 1,7 euro par jour), 2 milliards de personnes dans l’emploi informel, plus d’un tiers de la main-d’œuvre mondiale travaillant plus de quarante-huit heures par semaine… Sans oublier les 20 % d’écarts salariaux entre hommes et femmes ou les salaires en berne (1,8 % de croissance en 2017, contre 2,4 % l’année précédente).

Ces problèmes « menacent également de saper les normes de prospérité partagée qui ont maintenu les sociétés unies, en érodant la confiance dans les institutions démocratiques. En outre, la hausse de l’insécurité et de l’incertitude alimente l’isolationnisme et le populisme », soulignent les membres de la commission chargée, depuis 2017, de la rédaction du rapport, sous l’égide du président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, et du premier ministre suédois, Stefan Löfven. Pour Guy Ryder, les crises sociales, dont le mouvement des « gilets jaunes » en France, témoignent des conséquences d’une inégalité croissante dans le monde.

« Respecter des socles de droit et de protection »

Présente au lancement du rapport, Anousheh Karvar, déléguée du gouvernement français auprès de l’OIT et ex-secrétaire nationale de la CFDT, estime que, si les inégalités entre pays ont diminué, elles explosent au sein même des pays. « Le populisme est aussi une demande de protection des peuples, dans le repli, et il faut éviter que cela se traduise par du protectionnisme comme cela voit dans nombre de pays. »

Pour l’OIT, le travail du futur sera marqué par les progrès technologiques, l’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotique. Ils « créeront beaucoup d’emplois, mais ceux qui perdront le leur au cours de cette transition seront peut-être les moins bien armés pour saisir les nouvelles possibilités », avance le rapport. L’une des suggestions est la création d’un « droit universel à l’apprentissage tout au long de la vie qui donne la possibilité d’acquérir des compétences, de les actualiser et de se perfectionner ». La technologie doit également permettre d’atteindre un équilibre et d’atténuer les pressions qu’engendre « une démarcation de plus en plus floue entre temps de travail et temps consacré à la vie privée ».

Parmi sa dizaine de propositions, l’OIT évoque la nécessité d’un système de gouvernance internationale pour les plates-formes de travail numérique, afin qu’elles et leurs clients « respectent des socles de droit et de protection ». Si la commission n’a pas retenu l’exigence d’un revenu universel, elle veut assurer « une protection sociale universelle de la naissance à la vieillesse ».

Répondre aux enjeux de demain consiste aussi à prendre en compte, par exemple, « la valeur du travail non rémunéré accompli au sein des ménages ou des communautés, et des externalités de l’activité économique, comme la dégradation de l’environnement ». En outre, les investissements dans l’économie verte, l’économie rurale ou celle du soin devront être accrus.