Provocation, contre-attaque, nouvelle provocation… Les relations entre Paris et Rome sont très tendues depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite alliée aux antisystèmes en Italie en juin 2018. L’opposition à la France est devenue un des axes majeurs de la communication des deux composantes du gouvernement italien.

A l’issue du conseil des ministres mercredi 23 janvier, la ministre des affaires européennes, Nathalie Loiseau, a laissé entendre que Paris n’allait pas se lancer dans une guerre des mots ou dans des mesures de rétorsion à l’encontre de Rome. « Notre intention n’est pas de jouer au concours de celui qui est le plus bête, a déclaré Mme Loiseau. Quand des propos sont excessifs à la fois par leur ton et par leur nombre, ils deviennent insignifiants. » Des visites de responsables français ne sont toutefois guère envisageables en Italie dans un tel contexte, quelle que soit la volonté de travailler ensemble, a-t-elle souligné. « Je me rendrai en Italie quand le climat sera apaisé », a-t-elle averti.

Emmanuel Macron a lancé quelques piques contre le gouvernement italien en faisant du ministre de l’intérieur d’extrême droite, Matteo Salvini, son « opposant principal » ou en fustigeant la « lèpre nationaliste ». De leur côté, Luigi Di Maio, vice-premier ministre et chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S), et M. Salvini, patron de la Ligue, multiplient les salves désobligeantes envers le président Emmanuel Macron, dans la perspective de la campagne pour les élections européennes du 26 mai.

« Très mauvais président »

Récemment, MM. Di Maio et Salvini ont apporté de façon très démonstrative leur soutien au mouvement des « gilets jaunes ». Le second, homme fort du gouvernement italien, tente d’organiser un front européen de l’extrême droite contre les proeuropéens et a dit espérer mardi que le peuple français se libère bientôt d’un « très mauvais président », des propos d’une rare violence et totalement inédits entre responsables de pays fondateurs de l’Union européenne. Ce soutien a été fraîchement accueilli par Mme Loiseau, qui a invité les deux dirigeants à « balayer devant leur propre porte », soulignant que la France se gardait « de donner des leçons à l’Italie ».

Dimanche, le vice-premier ministre Luigi Di Maio, chef de file du M5S, l’autre composante de la majorité gouvernementale, avait accusé la France « d’appauvrir l’Afrique » et de pousser les migrants à rejoindre l’Europe par sa politique de « colonisation ». L’ambassadrice d’Italie en France a été convoquée lundi au Quai d’Orsay après ces propos jugés « inacceptables et sans objet ».

A l’exception de cette convocation, l’exécutif français est resté toutefois très mesuré dans ses réactions, soucieux de ne pas mettre de l’huile sur le feu avec Rome, alors qu’il est lui-même confronté à la crise des « gilets jaunes ». « Est-ce que [ces propos] rendent service au peuple italien, contribuent à son bien-être ? Je ne le pense pas. Est-ce que cela change quoi que ce soit à la situation politique française ? Je ne le crois pas non plus », a estimé Nathalie Loiseau mercredi.

Rome a localisé 14 militants d’extrême gauche italiens en France

Dans la foulée de l’arrestation en Bolivie de Cesare Battisti, Matteo Salvini a également accusé les autorités françaises de ne pas livrer les anciens militants italiens d’extrême gauche réfugiés en France. Rome a annoncé samedi avoir recensé trente personnes condamnées pour terrorisme en fuite à l’étranger et dont elle souhaite qu’elles soient livrées à la justice pour purger leur peine de prison en Italie, comme l’ex-militant d’extrême gauche incarcéré le 14 janvier après trente-sept ans de cavale. Parmi elles, « quatorze sont localisées en France », selon Matteo Salvini.

Le chef de file de l’extrême droite translapine s’est dit « prêt à partir à Paris » pour rencontrer le président français et « ramener en Italie ces assassins ». Il a aussi précisé que le gouvernement italien était « prêt à des démarches officielles pour demander la collaboration des pays hébergeant des terroristes, à commencer par Paris ». La ministre de la justice française, Nicole Belloubet, qui n’a « pas encore » reçu de demandes d’extradition, a assuré mercredi qu’elle porterait « un regard attentif sur chacun des dossiers » et promis « une discussion » avec l’Italie. Elle a jugé « possible » la présence en France de quatorze Italiens recherchés pour terrorisme par Rome depuis les années de plomb.