Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, à Bourgtheroulde, en Normandie, le 15 janvier 2019, deuxième étape de son tour de France des maires. / Philippe Wojazer / REUTERS

C’était la troisième étape du tour de France des maires entrepris par Emmanuel Macron dans le cadre du grand débat national. Après la Normandie et l’Occitanie la semaine dernière, le chef de l’Etat s’est rendu, jeudi 24 janvier, à Valence (Drôme). Au cours d’un déjeuner-débat au format resserré (trois heures trente prévues) et sans retransmission en direct à la télévision, M. Macron a écouté les doléances des élus – la plupart de communes rurales – sur les déserts médicaux ou les problèmes de mobilité.

Le débat a commencé vers 13 heures à la préfecture de la Drôme, après une rencontre entre Emmanuel Macron et Laurent Wauquiez, qui ne s’étaient jamais entretenus officiellement depuis que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a pris la tête des Républicains (LR) en décembre 2017. Le chef de l’Etat a ensuite écouté les doléances des présidents des associations des maires des douze départements, de parlementaires de la Drôme et de la présidente du conseil départemental, Marie-Pierre Mouton (LR).

Lors du débat, Laurent Wauquiez a reproché à Emmanuel Macron son « écoute » tardive : « Si cette écoute avait eu lieu dès le début, on se serait épargné bien des tensions dans le pays », a-t-il déclaré. « Depuis deux ans, on a l’impression que vous avez tourné le dos aux territoires. » « Je n’ai aucune réponse sur les petites lignes ferroviaires » et « au lieu de mettre de l’argent sur les moyens de transport, vous nous mettez les 80 km/h », a-t-il encore accusé.

Longue liste de doléances

Nicolas Daragon, le maire LR de Valence, a lancé la longue liste de doléances : « Nos concitoyens parlent du RIC [référendum d’initiative populaire], de démocratie plus consultative. Ils souhaitent la reconnaissance du vote blanc, plus de services publics, la réduction du train de vie de l’Etat. Certains proposent des solutions plus radicales », a-t-il énuméré.

« Qu’est-ce qu’on veut ? Des “monstropoles” d’un côté et des communes abandonnées de l’autre ? », a lancé le socialiste Aurélien Ferlay, président des maires ruraux de la Drôme et maire de Moras-en-Valloire (657 habitants). « Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles », a-t-il conclu en convoquant Albert Camus.

« En cinquante ans, on a reculé, nos concitoyens ont du mal à comprendre qu’on recule. Il y a un signal fort à donner aux territoires les plus enclavés. C’est devenu intolérable », a critiqué Jacques Mézard, sénateur du Cantal et ancien ministre de la cohésion des territoires d’Emmanuel Macron.

« Marionnettiste », chanson de Pierre Bachelet

Nicolas Rubin, maire LR de Châtel, en Haute-Savoie, a pris de court l’assistance lorsqu’il s’est adressé au président de la République en fredonnant deux strophes de la chanson Marionnettiste, de Pierre Bachelet : « Mais dis-moi tout/Marionnettiste/J’ai des ficelles à mon destin/Tu me fais faire un tour de piste/Mais où je vais je n’en sais rien », a-t-il chanté devant un Emmanuel Macron tout sourire et une assistance médusée qui l’a abondamment applaudi après cette performance saluée par un « bravo » présidentiel.

Le président « est comme un marionnettiste qui tient les ficelles du destin des maires. Il nous impose tout, sans concertation, par exemple la suppression de la taxe d’habitation. Qu’aurons-nous après ? C’est pas clair du tout », a ensuite expliqué l’élu à l’Agence France-Presse (AFP).

Aucune rencontre n’était prévue avec des représentants de « gilets jaunes » du département, dont quelques dizaines étaient maintenus à l’extérieur d’un large périmètre établi par les forces de l’ordre autour de la préfecture. Macron « veut faire un débat citoyen mais il faut qu’il passe par les citoyens. On ne peut pas s’approcher, on est contrôlés. On ne passe pas si on a un gilet jaune », déplorait notamment derrière un des cordons de CRS Dominique Roux, artisan de 47 ans résidant à Etoile-sur-Rhône.

« Dans un futur déplacement, je ne sais pas quand, il sera amené à parler avec des Français », lui a indirectement répondu le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, à son arrivée à la préfecture.

La Drôme est le département le plus pauvre de la région, où les « gilets jaunes » restent très mobilisés. Valence a vu défiler le 5 janvier 3 000 manifestants, soit presqu’autant qu’à Paris (3 500), selon les chiffres officiels.