Le président de la République démocratique du Congo (RDC), à Kinshasa, le 30 décembre 2018, jour de l’élection présidentielle. / Baz Ratner/REUTERS

« Moi, Félix Tshisekedi, élu président de la République, je jure… » L’opposant Félix Tshisekedi va officiellement devenir, jeudi 23 janvier, le cinquième président de la République démocratique du Congo (RDC), à l’heure d’une première alternance pacifique, mais contestée par un l’opposant Martin Fayulu.

En milieu de journée, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, 55 ans, doit prêter serment au Palais de la nation, siège de l’actuelle présidence au bord du fleuve Congo, où l’indépendance avait été proclamée le 30 juin 1960.

Le nouveau président, « Fatshi » pour ses proches, va prendre le relais du chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila Kabange, 47 ans, dont dix-huit à la tête du plus vaste pays d’Afrique subsaharienne. Les deux hommes entreront dans l’Histoire congolaise comme les acteurs de la première transition sans violence ni effusion de sang d’un pays marqué par deux coups d’Etat (1965 et 1997), deux assassinats des dirigeants (Patrice Lumumba en 1961 et Laurent-Désiré Kabila en 2001), et deux guerres. Des conflits qui avaient ravagé tout l’Est, impliquant neuf pays et faisant entre 4 et 6 millions de morts entre 1996 et 2004.

Fidélité républicaine

La cérémonie doit avoir lieu en présence de « chefs d’Etat, des gouvernements et de délégations », sans autre précision. Des chefs d’Etat africains ont salué dès dimanche l’élection de M. Tshisekedi (Afrique du Sud, Kenya, Burundi, Tanzanie) et d’autres se sont fait attendre un peu plus longtemps, dont deux des neuf voisins de la RDC (Angola et Congo-Brazzaville).

L’Union africaine (UA) et l’Union européenne, dans un communiqué conjoint, ont plus froidement « pris note » du résultat de cette élection contestée.

L’UA et l’UE, tout comme les Etats-Unis, se sont déclarés prêts à travailler avec le nouveau président. Les Etats-Unis et la France doivent être représentés par leur ambassadeur à Kinshasa.

Pendant la cérémonie d’investiture, le président élu doit recevoir « les symboles du pouvoir » des mains de Joseph Kabila, avant de prononcer un discours. Qui va rester au Palais de la nation ? Le président sortant doit se retirer dans son bureau avec son épouse, tandis que le nouveau président et la première dame iront dans la salle VIP avant un « entretien en tête à tête » et la « fin de la cérémonie ». Le symbole du siège de la présidence est l’une des multiples questions qui se posent.

Des signes de changement sont perceptibles. Mercredi, la chaîne d’Etat a ouvert son journal du soir avec un reportage sur la joie et l’impatience des militants de l’UDPS, le parti de M. Tshisekedi. Un signe de pluralisme impensable il y a quelques jours dans la ligne rédactionnelle de la RTNC.

Façonnées par Kabila, l’armée et les forces de sécurité vont devoir aussi faire preuve de fidélité républicaine envers le nouveau président.

« Arrangement, combine et combinaison »

Largement favorable au président Kabila avec 337 sièges sur 500, l’Assemblée nationale, elle, doit faire sa rentrée le 28 janvier, près d’un mois après les élections du 30 décembre 2018.

C’est parmi cette majorité que Félix Tshisekedi devra choisir un premier ministre. Les noms du directeur de cabinet du président Kabila, Néhémie Mwilanya Wilondja, et du grand patron congolais Albert Yuma circulent dans la presse congolaise, entre autres spéculations.

Dans son message d’au revoir mercredi soir, le président Kabila a encouragé les « leaders politiques » à privilégier une « coalition » plutôt que la « cohabitation ».

Les pro-Tshisekedi et les pro-Kabila ont signé un « accord de coalition politique » et de « partage du pouvoir », selon un document que l’AFP s’est procuré. L’accord prévoit que les ministères régaliens (diplomatie, défense, intérieur) doivent « comme cela est de doctrine certaine, revenir à la famille politique du président élu ».

Félix Tshisikedi en 2017 à Kinshasa. / JOHN WESSELS/AFP

L’opposant Martin Fayulu a dénoncé un « putsch électoral » orchestré par M. Kabila avec la complicité de Félix Tshisekedi. Il revendique la victoire avec 60 % des voix et se proclame seul président élu légitime. Son alliée, Eve Bazaiba, du Mouvement de libération du Congo (MLC), a d’ores et déjà refusé un gouvernement d’union nationale avec les nouveaux dirigeants, arguant que « l’Etat de droit ne signifie pas arrangement, combine et combinaison pour gérer le pouvoir. Ce qui est mal conçu, ce qui est mal préparé va continuer négativement ».

Le nouveau gouvernement va prendre la direction d’un pays riche en minerais, mais dont les deux tiers des 80 millions d’habitants survivent avec moins de deux dollars par jour.

La nouvelle équipe va subir de plein fouet la baisse des cours du cobalt, qui ont chuté en quelques mois de 100 000 à 35 000 dollars la tonne. Cette baisse brutale devrait être un coup dur pour l’Etat, qui misait beaucoup sur une réforme du Code minier relevant la taxation des producteurs de cobalt. La RDC en est le premier exportateur mondial.