Une semaine après la publication de l’enquête interne de l’hôpital parisien Lariboisière, lancée après la mort d’une patiente retrouvée inanimée après douze heures d’attente sur un brancard en décembre, l’autopsie de la victime apporte un nouvel éclairage dans ce dossier. Alors que le rapport interne ne s’attachait pas aux causes du décès, mais aux « processus » et aux « organisations » des urgences de Lariboisière, soulignant « une série de dysfonctionnements », les conclusions du premier rapport d’autopsie, dont Le Monde a eu connaissance, révèlent que la victime est morte étouffée.

Se plaignant de violents maux de tête et de douleurs aux mollets lors de son arrivée aux urgences, la patiente, âgée de 55 ans, est morte en raison d’une défaillance respiratoire, survenue à la suite d’un œdème pulmonaire, indique le rapport d’autopsie, remis au parquet de Paris, qui a ouvert en décembre une enquête préliminaire en recherche des causes de la mort. Pour Me Eddy Arneton, l’avocat de la famille de la victime, ces résultats « laissent à penser que des erreurs de diagnostic ont été commises ».

« Ces fautes relèvent d’un manque de sérieux et non pas d’un manque de moyens », poursuit l’avocat, selon qui « l’hôpital tente d’échapper à sa responsabilité ». De son côté, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a déclaré au Monde n’avoir « aucun commentaire à faire », n’ayant « pas accès aux conclusions de ce rapport d’autopsie, qui n’est pas définitif ».

« Mauvais aiguillage »

Selon l’avocat, l’une des erreurs de l’hôpital repose sur « l’aiguillage de la victime ». Comme le veut le protocole lors de toute arrivée aux urgences, une fiche résumant les raisons de sa visite, et permettant de l’enregistrer, avait été établie par une infirmière et validée par un médecin, le 17 décembre, vers 18 heures. Sur le dossier médical, dont Le Monde a pris connaissance, il est rapporté que la patiente se plaint de douleurs aux jambes. Il n’est toutefois pas fait mention de ses céphalées. « Il s’agit pourtant d’un élément important pour établir un diagnostic correct », estime Me Arneton.

Après cet examen médical succinct, la quinquagénaire, célibataire et sans enfant, avait été placée sur un brancard dans la salle d’attente du circuit dit « court », son état de santé étant considéré comme « parmi les moins graves », ne nécessitant qu’une simple consultation.

Commence alors une longue attente. Selon l’enquête interne, une infirmière la voit à 19 heures, puis à 21 heures. Mais lorsque vers minuit une aide-soignante l’appelle à quatre reprises pour qu’elle puisse être enfin examinée par un médecin, plus de cinq heures après son admission, elle ne répond pas. A 23 h 55, elle est marquée comme « ne répondant pas à l’appel » et, à 1 h 18, elle est déclarée « en fugue », c’est-à-dire rayée des listes. A 6 heures, la patiente est retrouvée morte, sur un brancard, dans la salle d’attente où elle avait été déposée, douze heures plus tôt.

Précédents

Me Arneton, qui a porté plainte au nom de la famille de la victime pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours à personne en danger », assure au Monde que le cas de la patiente « n’est pas isolé ». Il précise avoir reçu « plusieurs témoignages de familles rapportant des erreurs de diagnostic concernant leurs proches hospitalisés à Lariboisière », l’un des plus gros services d’urgence de France.

Le conseil de la famille de la victime a ainsi versé des informations complémentaires à sa plainte pour attester, selon lui, de plusieurs « fautes commises par le service des urgences ». MArneton s’appuie notamment sur une affaire survenue en janvier 2014, où une femme de 75 ans était morte aux urgences de Lariboisière, 39 heures après son admission dans le service.

Selon son dossier médical, dont Le Monde a eu connaissance, cette personne avait été prise en charge pour des vomissements et des malaises survenus la veille. Après une longue attente de près de deux jours, sur un brancard, elle avait finalement été hospitalisée pour un arrêt cardio-respiratoire. Une opération n’a pas permis de la sauver. Toujours selon son dossier médical, le scanner réalisé après son décès a permis de déterminer que sa mort était liée à une complication de sa hernie, pour laquelle elle devait être opérée plusieurs jours plus tard.

Dans une tribune publiée dans Le Monde, le 19 janvier, un collectif de quatorze chefs de services hospitaliers de la région parisienne et de Normandie réclamait un décret sur la « sécurité des patients aux urgences », où ils estiment la situation « très préoccupante ».