Luigi Di Maio (M5S, populiste), au Parlement italien, à Rome, le 25 mai 2018. / Angelo Carconi / AP

Editorial du « Monde ». L’empoignade ne semble pas près de s’arrêter. Depuis plusieurs semaines, les attaques tous azimuts contre la France se sont multipliées en Italie. Certes, il est déjà arrivé par le passé que la relation entre les « sœurs latines » traverse des épisodes orageux. Mais la crise actuelle est plus longue que d’habitude et, surtout, personne ne semble avoir envie, côté italien, d’y mettre un terme.

La ministre française des affaires européennes, Nathalie Loiseau, peut assurer que la France n’a pas l’intention de jouer « au concours de celui qui est le plus bête », force est de constater que Rome cherche bel et bien à l’y entraîner. Au reste, il y a peu de chance que les choses se calment dans l’immédiat : les élections européennes sont dans quatre mois et, d’ici là, les mises en cause de la France et d’Emmanuel Macron semblent bien tenir lieu de programme au Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio (antisystème) aussi bien qu’à la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite).

La France accusée de « piller » l’Afrique

Outre qu’elles permettent de faire oublier un bilan intérieur plus que modeste, ces provocations offrent d’utiles diversions. Ainsi, dimanche 20 janvier, tandis qu’un navire parti de Libye avec à son bord une centaine de candidats à l’exil dérivait en Méditerranée et que l’Italie restait sourde à ses appels à l’aide, le vice-premier ministre, Luigi Di Maio, n’a eu qu’à incriminer la France, accusée de « piller » l’Afrique et de maintenir sa tutelle sur ce continent grâce au franc CFA – sujet sans rapport avec la crise migratoire. Le chef politique du M5S aura réussi son coup : pendant ce temps, un navire de commerce ramenait ces migrants vers les côtes libyennes, au mépris du droit international. En quelques heures, leur drame avait été escamoté.

De même, ces derniers jours, les désastreuses prévisions du FMI pour l’économie italienne et le renforcement du couple franco-allemand considéré par Rome comme un acte hostile auront été éclipsés par de nouveaux coups d’éclat : mardi 22 janvier, Matteo Salvini a affirmé qu’il « souhaitait que les Français puissent se libérer d’un mauvais président » à l’occasion des européennes, tandis que, le lendemain, le premier ministre, Giuseppe Conte, invitait la France à faire don à l’Union européenne de son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

Deuxième partenaire commercial

Pourtant, au-delà du tumulte des polémiques, il n’est pas assuré que ce harcèlement quotidien soit payant à long terme. En effet, entre la France et l’Italie, de la lutte antiterroriste au monde de la culture en passant par l’industrie, les coopérations sont si fortes et les intérêts si convergents qu’aucun des deux pays n’aurait à gagner à un éloignement durable. Trop semblables pour se faire la guerre, Paris et Rome sont condamnés à s’entendre. Ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas se fâcher durablement avec son deuxième partenaire commercial, ce que sont l’une pour l’autre la France et l’Italie.

En outre, Rome n’a rien à gagner à faire cavalier seul sur la scène européenne. Son attitude durant les derniers mois a eu pour effet de l’isoler sur à peu près tous les sujets, et il serait étonnant que les récents appels à un changement de régime en France, au mépris des usages diplomatiques les plus élémentaires, aient pour effet de rompre cette solitude. Le gouvernement Conte en a déjà fait l’expérience lors de la discussion budgétaire de l’automne dernier : on n’obtient rien, à Bruxelles, sans compromis ni sans alliés.