Lucas Pouille fera un bond au classement après sa demi-finale à l’Open d’Australie. / KIM KYUNG-HOON / REUTERS

Il faut toujours se méfier d’un Novak Djokovic en embuscade. Depuis le début de sa quinzaine à l’Open d’Australie, le Serbe avait connu à plusieurs reprises des sautes de concentration. Le Canadien Denis Shapovalov et le Russe Daniil Medvedev avaient même réussi à lui prendre un set. Efficace sans être flamboyant, il traversait son tournoi dans une relative discrétion. Mais un Djokovic qui avance dans un tournoi est un joueur de plus en plus vénéneux. Une fois dans le dernier carré à Melbourne, il n’a jamais perdu un match : six fois il est allé en demi-finale, six fois il a remporté le titre. Vendredi 25 janvier, il n’a fait qu’une bouchée de Lucas Pouille, à qui il n’a laissé que quatre petits jeux pour se hisser en finale (6-0, 6-2, 6-2).

D’entrée de match, le numéro un mondial ne laisse aucune opportunité au Français. Lui qui, face à Borna Coric en huitième de finale puis Milos Raonic en quart, jouait avec une justesse retrouvée, se retrouve à forcer, à surjouer. C’est la première fois qu’il affronte Novak Djokovic sur le circuit et la statistique saute aux yeux : il n’a absolument aucun repère et la cadence imprimée par le métronome serbe est bien trop soutenue pour lui. Il n’y a qu’un joueur sur la Rod Laver Arena. Sous les yeux de la légende australienne de 80 ans, le Serbe martyrise dans tous les échanges le Français, asphyxié 6-0 en vingt-trois minutes.

Bête noire des Français

Dans le deuxième set, Djokovic ne relâche pas la pression : il joue pleine ligne, le prend régulièrement à contre-pied, pour rapidement le faire craquer. Tout va beaucoup trop vite pour Pouille, novice à ce stade en Grand Chelem : la balle, les échanges, les jeux, les minutes. Démuni tactiquement, il balbutie au service, enchaînant les doubles fautes. A 2-1, Djokovic fait le break. Il multiplie les retours gagnants et fait visiter le court au Français. A 5-2, celui-ci cède une nouvelle fois sa mise en jeu et laisse filer le deuxième set en moins d’une demi-heure.

Le gouffre qui sépare les deux joueurs ne se réduit pas dans la troisième manche. Débordé dans tous les compartiments du jeu, Pouille, 31e au classement, ne se procure aucune balle de break. Son bourreau prend les devants dès le troisième jeu. Il le pousse à flirter de plus en plus avec les lignes pour le déborder. Et ses encouragements sonores alors qu’il mène deux sets à rien, break dans le troisième, apparaissent presque indécents au regard du supplice qu’il fait vivre à sa victime du jour.

Pouille était prévenu : Novak Djokovic est la bête noire des Tricolores. Il restait sur 27 victoires de suite face à des Français au meilleur des cinq manches dans les Grands Chelems. Le Nordiste n’échappe pas à la règle et son calvaire prend fin après 1 h 23. Seule consolation pour lui : il n’a pas battu le record de la demi-finale la plus expéditive à Melbourne… En 1984, Mats Wilander avait donné une fessée à l’Américain Johan Kriek en 1 h 03 sur un score encore plus sévère : 6-1, 6-0, 6-2.

Au total, Novak Djokovic n’aura laissé échapper que cinq petites fautes directes, un chiffre rarissime sur trois sets. « C’est un des meilleurs matchs que j’ai joués ici, tout a fonctionné », résumera sobrement le Serbe.

Un choc face à Nadal dimanche

« A aucun moment il n’a baissé d’intensité, il a été très précis, avait une longueur de balle incroyable et un gros pourcentage de premières, commenta le vaincu au micro d’Eurosport. Je l’avais vu jouer les premiers tours, il jouait plus court, là je n’ai pas pu mettre en place ma stratégie : prendre le jeu à mon compte et attendre la balle courte. Il fallait essayer d’abréger les échanges mais quand il joue à 30 cm de la ligne, c’est difficile… »

Il y a un an, à la dérive, Novak Djokovic s’apprêtait à être opéré au coude. En douze mois, il est redevenu le patron du circuit et est invaincu en Grand Chelem depuis 20 matchs, vainqueur coup sur coup de Wimbledon et l’US Open. En cas de victoire dimanche en finale, il peut devenir seul recordman des titres dans le premier tournoi du Grand Chelem du calendrier. Il dépasserait Roy Emerson et Roger Federer.

Il y retrouvera l’un de ses meilleurs ennemis, l’Espagnol Rafael Nadal, qui fait la plus forte impression depuis le début de la quinzaine. En 2012, les deux joueurs avaient livré une bataille de 5 h 53, et c’est le Serbe qui avait eu le dernier mot. A Jim Courier qui l’interrogeait sur cette rivalité, il esquissa un rictus : « A la place des spectateurs, j’achèterais un billet pour le match dimanche… »