Comme chaque année à la même époque, banques, mutuelles et assureurs annoncent les taux de revalorisation accordés l’année précédente à l’épargne investie dans les fonds en euros (dont le capital est garanti), et crédités sur les comptes depuis début janvier. C’est un sujet qui intéresse de nombreux épargnants, puisque ce compartiment sans risque de l’assurance-vie abrite environ 1 250 milliards d’euros, soit un peu plus d’un tiers de l’épargne financière totale des ménages hexagonaux.

Sans surprise, les rendements distribués au titre de 2018 sont encore en baisse, de 10 à 20 points de base en moyenne (0,10 % à 0,20 %, mais tous ne sont pas encore connus). Un constat paradoxal : les fonds en euros sont restés, une fois encore, le placement garanti et sans risque le plus performant puisqu’ils battent facilement livrets et plans d’épargne logement. Cependant, tous n’ont pas réussi à préserver le pouvoir d’achat qui leur était confié en raison du retour de l’inflation.

Alors que les prix ont augmenté de 1,8 % en 2018, les rendements sont attendus en moyenne autour de 1,6 %. Une fois déduits les prélèvements sociaux (17,2 %), et sans même prendre en compte les frais et éventuels impôts sur les gains, cela signifie que de nombreux contrats auront perdu du pouvoir d’achat. Une situation qui ne s’était pas produite depuis le début des années 1980, quand l’assurance-vie occupait encore une place anecdotique sur l’échiquier des placements. Pour sauvegarder la valeur de l’épargne en 2018, il eût fallu que le rendement atteigne au moins 2,2 %.

L’Afer, l’Asac Fapès et Gaipare en tête

Parmi les premiers résultats annoncés, plusieurs d’entre eux réussissent à remplir cette mission. C’est le cas des associations Afer, qui a distribué 2,25 %, de l’Asac Fapès (2,48 %) ou de Gaipare (2,5 %). A la MIF (Mutuelle d’Ivry-La Fraternelle, + 2,35 %), Olivier Sentis, son directeur général, estime qu’avec « la remontée de l’inflation, il était essentiel de protéger l’épargne de nos souscripteurs avec un taux réel positif ». Un message que ne partagent visiblement pas tous les assureurs…

Ce n’est en effet pas le cas dans plusieurs des établissements qui ont déjà fait connaître leurs rendements. Aux Caisses d’épargne, par exemple, les taux démarrent à 1,1 % pour les contrats grand public et plafonnent à 1,85 % pour ceux de la gestion de fortune. C’est mieux que l’année précédente, mais pas assez pour préserver le pouvoir d’achat. Idem à la Société générale, avec des taux allant de 1,33 % à 1,85 %. Même des mutuelles, autrefois bien placées, peinent à battre l’inflation : 1,8 % à la Maif, par exemple, et 1,85 % à la Maaf.

Face à un tel constat, les épargnants sont donc en droit de s’interroger sur la solidité de ce placement. Car si l’inflation est attendue en repli en 2019 par les économistes, nombre d’assureurs préviennent que les rendements des fonds en euros vont continuer à diminuer. Pour l’association Gaipare, on estime que si les taux obligataires restent inchangés, les revalorisations devraient continuer à se réduire à un rythme annuel de 20 points de base (0,2 %).

Pour rassurer les souscripteurs, les compagnies mettent de plus en plus en avant l’existence de réserves de bénéfices, prélevés sur les gains de ces dernières années au lieu d’être versés aux assurés, et qui leur permettent de mieux affronter l’avenir. Sur l’ensemble du marché, selon Gérard Bekerman, le président de l’Afer, « ces bénéfices mis de côté représentent 50 milliards d’euros ». Dans une étude publiée en 2018, le cabinet spécialisé Facts & Figures évaluait à 3,35 % en moyenne le niveau de ces réserves pour l’ensemble des sociétés.

Des assurés sans garantie

Selon les premières indications recueillies, les assureurs n’ont pas touché à cette « tirelire » en 2018, et nombre d’entre eux affirment l’avoir encore augmentée. « Les assureurs qui disposent de réserves importantes sont mieux armés pour affronter l’avenir, car ils pourront les utiliser pour soutenir les rendements », observe Guillaume Leroy, actuaire associé du cabinet Prim’Act. « Mais si les taux d’intérêt des marchés financiers restent durablement bas, comme c’est le cas au Japon depuis plus de 25 ans, leur impact sera faible », poursuit-il.

Si ces réserves sont un signe de solidité des assureurs, elles n’offrent cependant aucune garantie aux assurés, qui ne sont pas sûrs d’en voir la couleur. En effet, les assureurs disposent de huit ans pour les verser à leurs assurés, mais ils peuvent par un simple jeu d’écriture comptable les verser à leurs clients, tout en les reconstituant en prélevant sur les gains de l’année. Pire : elles peuvent être utilisées pour favoriser d’autres contrats que ceux grâce auxquels elles ont été constituées, par exemple pour doper le taux de rendement d’un nouveau produit.

A la Macsf, une mutuelle dirigée vers les professions médicales, Stéphane Dessirier, son directeur général, met en avant un autre élément de force : « Notre portefeuille a une duration [durée moyenne des titres obligataires détenus] très courte et il pourrait donc très vite profiter d’une remontée des taux ». C’est un argument de poids, car la remontée des taux ferait baisser la valeur des obligations anciennes, surtout quand elles ont encore une durée de vie longue.

Mais en cas de maintien de taux bas, c’est un choix qui serait plutôt pénalisant.
Pour Guillaume Leroy, « la solidité de l’assurance-vie dépend principalement du niveau des taux garantis accordés par les assureurs au fil du temps à leurs clients ». Plus ils sont élevés, plus les risques sont élevés. Seul souci : dans la grande « boîte noire » des fonds en euros, ces informations ne sont pas publiques et les assurés n’ont guère de savoir comment l’assureur utilise leur argent.