Le secrétaire d’Etat à l’intérieur, Laurent Nuñez, a affirmé dimanche 27 janvier qu’il n’y avait « aucun élément » permettant d’affirmer que Jérôme Rodrigues, une figure des « gilets jaunes » blessée samedi à l’œil à Paris au cours de l’acte XI des manifestants, avait été touché par un tir de lanceur de balle de défense (LBD). « Je n’ai aucun élément qui me permette de dire qu’il y a eu un usage d’un LBD qui aurait touché M. Rodrigues », a affirmé M. Nuñez sur LCI. Il a en revanche confirmé l’utilisation d’une grenade de désencerclement au même moment, s’appuyant sur le rapport d’un policier ayant lancé ce projectile.

De son côté, l’avocat de Jérôme Rodrigues, Philippe de Veulle, « réfute complètement » l’hypothèse d’une blessure due à une grenade de désencerclement, et affirme avoir « des éléments matériels » montrant que « c’est un tir de flash-ball ». La balle du LBD a été « ramassée » par des témoins et sera mise à disposition de l’IGPN, a déclaré Me de Veulle.

Jérôme Rodrigues, un proche d’Eric Drouet, figure historique du mouvement, était en train de filmer la fin de la manifestation place de la Bastille pour un direct sur Facebook lorsqu’il a été touché. Il a annoncé dimanche qu’il avait déposé plainte.

Sur la vidéo qu’il a postée sur le réseau social, ce quadragénaire à la longue barbe poivre et sel incite à plusieurs reprises des « gilets jaunes » à « partir » de la place de la Bastille car « les black blocs vont attaquer [la police] ». A partir de la 9e minute, sa vidéo montre des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) passer en courant devant lui. Resté immobile près de la colonne de la Bastille, au cœur de la place, Jérôme Rodrigues fait face à d’autres forces de l’ordre, positionnées à une dizaine de mètres. Un projectile est lancé dans sa direction. L’homme s’effondre, vite entouré par des « street medics », des secouristes bénévoles. Selon toute vraisemblance, il a été atteint par l’éclat d’une grenade de désencerclement, d’après des sources policières citées par l’AFP.

32 tirs de LBD réalisés samedi

L’IGPN, la « police des polices », a été saisie. « Le préfet de police, en accord avec le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez, saisit l’IGPN, afin que soient établies les circonstances dans lesquelles cette blessure est intervenue », avait déclaré la préfecture de police dès samedi après-midi sur Twitter, sans mentionner l’identité du blessé. Le parquet de Paris a également ouvert une enquête pour « recherche des causes des blessures », qui ne présage pas à ce stade du type d’arme utilisée ni même d’une implication des forces de l’ordre.

Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait lui aussi rapidement réagi sur Twitter samedi, affirmant que « l’IGPN saisie par le @PrefPolice [la préfecture de police] fera toute la lumière sur les incidents qui se sont produits place de la Bastille ».

Revenant sur l’utilisation des LBD par les forces de l’ordre samedi à Paris, Laurent Nuñez a souligné que 32 tirs avaient été réalisés samedi, « uniquement dans les endroits où il y a eu des violences ». « Les 32 tirs ont été filmés, y compris les 18 qui ont eu lieu sur la place de la Bastille », a-t-il précisé.

Gouvernement, policiers et gendarmes se savent sous surveillance, après la polémique qui s’est développée sur l’usage des « lanceurs de balles de défense » (LBD) et les blessures que ces armes infligent. Les forces de l’ordre expérimentaient pour la première fois ce samedi l’utilisation de LBD par des binômes, dont un des deux membres est porteur d’une « caméra piéton » filmant l’utilisation de cette arme et le contexte. Cela doit permettre de « réunir des preuves s’il y avait une contestation de l’usage du LBD », avait prévenu Laurent Nuñez.

Il a défendu son utilisation dimanche sur LCI : « Le LBD est absolument indispensable à un maintien de l’ordre républicain ».  « C’est une arme intermédiaire que nous utilisons en cas de guerilla urbaine, on l’utilise assez peu dans le cadre de maintien de l’ordre habituellement », a-t-il ajouté, précisant que « pour la manifestation d’hier tout a été filmé ».

Le secrétaire d’Etat a également affirmé que 101 enquêtes menées par l’IGPN étaient en cours. Il a précisé que 1 900 « gilets jaunes » avaient été blessés depuis le début du mouvement, le 17 novembre 2018, mais que cela n’avait « parfois rien à voir avec l’action de la police ». Il a déclaré que 1 200 policiers et gendarmes avaient aussi été blessés.

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