Emmanuel Macron effectue une visite officielle de trois jours au Caire pour renforcer les liens économiques avec l’Egypte. Répondant, lundi 28 janvier, à la question d’un journaliste égyptien sur les troubles des deux derniers mois en France et le respect des droits humains par les autorités françaises, le chef de l’Etat a « déploré » que « onze personnes aient perdu la vie » depuis le début de la crise sociale des « gilets jaunes », tout en soulignant qu’aucune n’avait « été victime des forces de l’ordre ». « Ce que la France vit depuis plusieurs semaines est inédit et je veux rendre hommage au professionnalisme des forces de l’ordre dans ce contexte », a ajouté Emmanuel Macron.

Le chef de l’Etat participait à une conférence de presse avec son homologue Abdel Fattah Al-Sissi, en bonne partie dominée par la situation des droits humains en Egypte.

« En France, il est permis de s’exprimer librement (…). En France, on peut dire tout. Parfois, on dit beaucoup contre le pays lui-même, je le regrette », a répondu M. Macron, ajoutant que c’était « la force de la démocratie ». « Il y a, dans notre pays, une liberté qui est constitutionnellement garantie, qui est la liberté de manifester. Et nous entendons bien la protéger », a insisté Emmanuel Macron.

Lors des manifestations des « gilets jaunes », qui n’ont « jamais été interdites, des individus, des casseurs, des extrémistes (…) ont parfois commis le pire, des exactions consistant à saccager des commerces, des bâtiments publics ou à mener des actes de violence à l’égard des forces de l’ordre ou d’autres personnes », a-t-il ajouté. « D’une manière légitime, ils ont été interpellés. Pas interpellés parce qu’ils disaient quelque chose. Pas interpellés parce qu’ils pensaient quelque chose. Interpellés parce qu’ils cassaient, parce qu’ils détruisaient, parce qu’ils s’attaquaient à d’autres citoyens ou aux institutions. »

« Je ne voudrais pas que soient confondus ici ou mélangés ces casseurs professionnels (…), qui seront punis comme le prévoit la loi (…), avec des concitoyens français qui manifestaient leur mécontentement comme ils ont droit de le faire. »

Parler « plus ouvertement » avec le président égyptien

Emmanuel Macron a estimé que la « stabilité » d’un pays allait de pair avec le « respect des libertés ». M. Macron avait prévenu dès dimanche soir qu’il entendait parler « plus ouvertement » avec le chef de l’Etat égyptien de la question des droits humains en Egypte. En recevant le président égyptien en octobre 2017, il avait refusé de lui « donner des leçons » sur cette question sensible, provoquant l’indignation des associations.

« On peut se dire les choses de manière très franche (…) sans considérer qu’on vient ni donner des leçons ni déstabiliser », a dit M. Macron. « Les choses ne sont pas allées dans la bonne direction depuis octobre 2017 », a-t-il estimé, en soulignant que, depuis cette date, des « blogueurs, des journalistes et des activistes » ont été emprisonnés.

M. Macron a ensuite estimé qu’une « société civile dynamique, active, inclusive reste le meilleur rempart contre l’extrémisme et une condition même de la stabilité ». Sans ces conditions, « l’image de l’Egypte peut se trouver abîmée », a argué le président français. « La discussion que nous avons eue [avec le président Sissi] est respectueuse de la souveraineté de l’Egypte », a-t-il plaidé. « Je ne serais pas un ami sincère de l’Egypte d’aujourd’hui si je ne disais par le fond de ma pensée », a-t-il encore insisté.

En réponse à ces questions soulevées par M. Macron, le président Sissi a déclaré : « Nous ne sommes pas comme l’Europe ou comme l’Amérique (…), on ne peut pas imposer à toutes les sociétés un seul chemin. » « N’oubliez pas que nous sommes dans une région troublée », a-t-il précisé, en estimant que « le projet d’établir un Etat religieux » n’avait « pas réussi en Egypte » – une référence, notamment, à la présidence de l’islamiste Mohammed Morsi en 2012-2013. L’Egypte « ne sera pas construite par les blogueurs, mais par le travail, l’effort et la persévérance », a-t-il ajouté. « Nous ne voulons pas que les droits humains en Egypte se résument uniquement aux blogueurs. »