Barrages effondrés au Brésil : pourquoi ces catastrophes à répétition
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Trois jours après la catastrophe, les chances de retrouver vivantes les 288 personnes toujours portées disparues sont de plus en plus minces au Brésil, dans les boues charriées suite à l’effondrement du barrage de Brumadinho. Le drame, qui a déjà fait au moins 65 morts, continue de provoquer colère et inquiétude dans le pays, alors que les conséquences écologiques pourraient s’avérer lourdes.

A Brumadinho, les hélicoptères continuaient d’atterrir, mardi 29 janvier, avec de nouveaux corps, suspendus dans de grands filets noirs. La chaleur de l’été fait remonter l’odeur fétide des dépouilles enterrées dans la boue. « La boue est encore trop liquide, mais avec l’évaporation les sédiments descendent et les corps remontent vers la surface », a expliqué le lieutenant-colonel Eduardo Angelo Gomes, commandant du bataillon d’urgence environnementale des pompiers.

« Crime environnemental »

Les secouristes marchent avec prudence. Un pas de travers et toute la jambe s’enfonce dans cette masse visqueuse dont on ne connaît pas encore la toxicité. La vague de résidus miniers qui a tout dévasté sur son passage a également contaminé la rivière Paraopeba, qui traverse Brumadinho, teintée de marron. Cette contamination touche de plein fouet la communauté indigène du village Nao Xoha (« Esprit guerrier »), où vivent 27 familles privées d’eau potable.

Un sauveteur dans les boues de Brumadinho, lundi 28 janvier. / MAURO PIMENTEL / AFP

« C’est très préoccupant, parce que cette boue toxique avance au fur et à mesure et on s’attend à ce qu’elle parcoure encore 220 km, jusqu’à ce qu’elle atteigne un autre barrage qui pourrait la retenir », a expliqué Marcelo Laterman, géographe de Greenpeace, qui dénonce un « crime environnemental ». La région avait d’ailleurs déjà été endeuillée en 2015 par la rupture d’un autre barrage minier géré par Vale (en copropriété avec l’anglo-australien BHP) près de Mariana, à 120 km de Brumadinho. Le drame avait fait 19 morts et causé un désastre environnemental sans précédent au Brésil.

Quatre mille barrages au « risque élevé »

Le scénario risque d’ailleurs de se reproduire. Le Brésil compte près de 4 000 barrages présentant « un risque élevé », et 205 d’entre eux « comportent des déchets minéraux », a en effet annoncé mardi 29 janvier le ministre chargé du développement régional, Gustavo Canuto. Et lui de prévenir : le pays ne dispose pas des ressources suffisantes pour réviser tout de suite l’ensemble de ces barrages, aussi l’Etat va-t-il se concentrer sur ceux qui nécessitent les mesures les plus urgentes.

Dans le même temps, la justice brésilienne entend bien poursuivre les responsables du drame de Brumadinho. Le gouvernement a exigé des explications de la part du groupe minier Vale, dont cinq ingénieurs ont été placés en détention préventive. Trois de ces ingénieurs sont des employés de Vale et les deux autres de la société allemande TÜV SÜD, qui avait délivré en septembre un certificat de stabilité du barrage.

« Maintenant, il faut punir, et punir vraiment », a affirmé lundi soir le vice-président Hamilton Mourao, qui exerce la présidence tandis que Jair Bolsonaro récupère d’une opération. 

« Les amendes, qui font mal au portefeuille, ont déjà été infligées. Mais s’il y a vraiment eu négligence ou imprudence de la part de certaines personnes de cette entreprise (Vale), elles doivent répondre pénalement. »

Au total, 11,8 milliards de réais (environ 2,8 milliards d’euros), ont déjà été saisis sur les comptes de la compagnie, au titre de réparation.

Mardi matin, Hamilton Mourao a, en outre, tenu une réunion avec plusieurs ministres pour évaluer un durcissement des normes de sécurité des barrages. Un virage forcé pour le gouvernement Bolsonaro, qui semblait plutôt enclin à assouplir les règles en matière de protection de l’environnement et critiquait le zèle des agences publiques chargées des contrôles. Le quotidien économique Valor a notamment rappelé que l’ex-député Leonardo Quintao, parlementaire très lié au secteur minier et qui sera chargé des relations du gouvernement avec le Sénat, avait fait retirer d’un texte de loi deux dispositifs censés améliorer les contrôles des barrages.

Un manifestant écologiste devant le siège de l’entreprise Vale, à Rio de Janeiro, lundi 28 janvier. / FABIO TEIXEIRA / AFP