Manifestation contre le projet EuropaCity, à Gonesse (Val-d’Oise), 21 mai 2017. / THOMAS SAMSON / AFP

D’une procédure à l’autre, les arbitrages politiques et les décisions de justice soufflent le chaud et le froid sur le projet EuropaCity, mettant à rude épreuve les nerfs des promoteurs et des adversaires de ce méga-complexe de loisirs et de commerces censé s’implanter dans les champs du Triangle de Gonesse (Val-d’Oise), au nord de Paris. Un investissement de 3,1 milliards d’euros porté par le groupe Auchan et le conglomérat chinois Wanda, devenu malgré lui, pour ses détracteurs, un symbole du bétonnage des terres agricoles.

Le préfet du Val-d’Oise a beau avoir signé, le 20 décembre 2018, la déclaration d’utilité publique indispensable au démarrage de cette opération d’aménagement de 300 hectares – dont les 80 hectares d’EuropaCity, un centre d’affaires et une gare du Grand Paris Express –, ses bases juridiques ne cessent de s’effriter.

Lundi 28 janvier, le rapporteur public du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par des opposants à EuropaCity, s’est prononcé en faveur d’une annulation pure et simple du plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Gonesse, adopté en septembre 2017 essentiellement pour permettre l’urbanisation du Triangle. Motifs : une information insuffisante du public sur les impacts environnementaux, une consommation excessive de terres agricoles et l’absence de prise en compte de l’offre commerciale déjà existante. La décision du tribunal est attendue le 22 février.

« Envisager un projet alternatif »

« C’est un coup de massue pour les promoteurs du projet », s’est félicité Alain Boulanger, président du Comité aulnaysien de participation démocratique, l’un des membres du collectif d’opposants Europas Du Tout, qui réunit des commerçants inquiets de la concurrence d’EuropaCity. « Il est temps d’abandonner ce complexe commercial et d’envisager un projet alternatif, qui prenne en compte les impacts de cet aménagement sur toute la région », estime M. Boulanger.

Si le PLU était annulé, les terres retrouveraient de facto l’usage strictement agricole prévu par l’ancien plan d’urbanisme. Remettre sur le métier la modification de son PLU prendrait à la ville un an au bas mot, plus probablement deux.

Après l’annulation par le même tribunal, le 6 mars 2018, de l’arrêté préfectoral autorisant la création de la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Triangle de Gonesse, le projet d’aménagement se verrait sérieusement fragilisé. La municipalité de Gonesse ferait vraisemblablement appel d’une annulation de son PLU, tout comme l’Etat a fait appel de l’annulation de la ZAC. Mais la décision n’est pas attendue avant des mois. Et sur le terrain, le projet avance.

« Notre inquiétude, à l’heure actuelle, c’est la construction de la future gare du Grand Paris Express », explique Bernard Loup, le président du Collectif pour le Triangle de Gonesse, l’un des animateurs de la guérilla judiciaire contre l’urbanisation de la zone, qui défend un projet alternatif de conversion de ces cultures céréalières intensives en maraîchage bio. « Pour l’instant, rien d’irréversible n’a été accompli sur le terrain, mais si la gare est construite, alors les alentours seront inévitablement bétonnés, avec ou sans EuropaCity », craint-il.

Aménager ces terres

Le permis de construire de la gare a été validé en septembre 2018 – c’est le premier permis de construire du Triangle de Gonesse. Et la Société du Grand Paris, chargée de réaliser ce super métro, vient d’attribuer, le 24 janvier, le premier des trois marchés de génie civil de la future ligne 17, incluant la réalisation de la gare de Gonesse. Une gare stratégique : la desserte par le métro, prévue en 2027, conditionne l’urbanisation du Triangle. Un temps envisagé dès ce printemps, les travaux doivent désormais démarrer à l’automne, avec ou sans PLU, avec ou sans ZAC : le permis de construire suffira.

« Nous avons six mois pour obtenir une décision politique de renoncement à EuropaCity et à l’aménagement du Triangle, sans quoi nous devrons organiser une résistance sur le terrain, au risque d’affrontements avec la police », prévient Bernard Loup, qui en appelle notamment à la présidente (LR) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. Pour l’heure, l’Etat est resté ferme dans sa volonté d’aménager ces terres : coincées entre les aéroports de Roissy et du Bourget, elles sont considérées comme un axe stratégique de développement économique.

En attendant la décision du 22 février, la municipalité de Gonesse « s’abstient de tout commentaire ». Mais consciente que les décisions des tribunaux administratifs sont très souvent conformes aux avis des rapporteurs publics, la ville « prépare une analyse juridique anticipant la fin de son PLU » et a prévu de se concerter rapidement avec l’établissement public Grand Paris Aménagement, qui urbanise le Triangle au nom de l’Etat, et les promoteurs d’EuropaCity pour préparer la suite des opérations.