La pochette de l’album « Renaissance », de DJ Arafat. / UNIVERSAL MUSIC AFRICA

Mi-janvier, à la villa Universal Music à Abidjan. Cela fait un peu plus de deux semaines que le nouvel album de DJ Arafat, Renaissance, est sorti. L’artiste ivoirien, en pleine promotion, enchaîne les interviews au siège de son célèbre label. Tee-shirt blanc, jean noir troué et verre estampillé du nom d’une célèbre marque de whisky à la main.

Comment vont les ventes de l’album ?

DJ Arafat Je ne sais pas. Je n’ai pas le temps de suivre cela. Ils sont là, c’est leur taf à eux [dit-il en regardant furtivement l’un des communicants du label présent].

C’est quoi votre « taf » alors ?

Chanter, baiser, manger, dormir. M’amuser aussi… Tu ne t’amuses pas toi ?

Si, bien sûr, mais ce n’est pas là mon métier…

Moi, c’est mon métier. Je ne travaille pas dans un bureau… Je ne suis pas journaliste…

C’est que vous en avez de la chance !

DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Houon, 33 ans, aime provoquer. C’est même sa marque de fabrique depuis ses débuts, il y a près de quinze ans. A l’époque, un nouveau genre musical, le coupé-décalé – à la fois singulier et indéfinissable – qui mêle des aspects du zouglou ivoirien, de la rumba congolaise et du rap, déferle sur la Côte d’Ivoire et l’Afrique francophone, emmené par des artistes tels que Douk Saga et DJ Jacob.

Dj Arafat - Hômmage A Jonathan
Durée : 05:00

Ange Didier, tout juste 17 ans, est DJ dans des maquis et des boîtes de nuit d’Abidjan, où des amis libanais l’ont surnommé « Arafat », en référence au tempérament de l’ancien leader palestinien. Et cette révolution musicale à laquelle il assiste, aux premières loges, DJ Arafat ne tarde pas à y prendre part. En 2003, il sort le titre Hommage à Jonathan, du nom de son ami disparu. Le succès est au rendez-vous. Sa carrière lancée.

« Je reviens à la vie »

Quinze ans et dix albums plus tard, le mythique Hommage à Jonathan est toujours d’actualité. Remixé et interprété en featuring avec le rappeur français Maître Gims, il figure en bonne place sur le nouvel opus de l’Ivoirien. « L’idée de revenir sur Hommage à Jonathan, c’est une idée de Gims qui aimait beaucoup ce titre. Et il se trouve que mes fans aussi me demandaient, depuis longtemps, de retravailler sur ce morceau. J’ai donc dit ok et on l’a fait », explique l’artiste.

Revenir aux fondamentaux pour mieux « renaître », DJ Arafat assume : « J’ai vécu beaucoup de moments heureux dans ma carrière, et d’autres, plus malheureux. J’ai fait le fou. J’ai niqué beaucoup de choses. Je suis mort. Et là, je reviens à la vie. C’est une nouvelle personne, un nouveau DJ Arafat que vous avez devant vous. C’est tout ce qu’il faut retenir aujourd’hui. »

« Arafat », comme il est souvent simplement appelé, voudrait donc passer à autre chose. En finir avec ce personnage de bad boy du coupé-décalé qu’il s’est forgé depuis la fin des années 2000, grâce – ou à cause, c’est selon – à l’explosion des réseaux sociaux qu’il a rapidement embrassés, parfois jusqu’à l’excès. Les buzz, qu’ils soient bons ou mauvais, entre frasques familiales, bagarres, clashs et insultes contre les artistes rivaux, ont pourtant décuplé sa notoriété, tout comme sa communauté de fans, surnommée (pour son nombre) « La Chine ».

« Conquérir le monde entier »

L’artiste est aujourd’hui suivi par plus de 2,2 millions de personnes sur Facebook. Les rares Ivoiriens qui le surpassent, comme le footballeur Didier Drogba (9 millions de fans) ou la légende du reggae Alpha Blondy (2,8 millions de fans), se comptent sur les doigts d’une main.

« Le nouvel Arafat veut aller encore plus loin dans sa carrière, aller au-delà de ses limites, dit-il. Mon rêve, ce n’est pas la France ou l’Europe, comme je l’entends souvent. Mon rêve, c’est d’exporter ma musique partout, de conquérir le monde entier et d’y porter haut les couleurs de la Côte d’Ivoire, et au-delà même, celles des peuples africains. »

Pour ce faire, le « daishinkan » (l’un de ses surnoms, tiré du manga Dragon Ball Z) a peaufiné son nouvel album pendant quatre ans et mobilisé, outre Maître Gims, deux autres poids lourds de la scène urbaine française : Niska sur le titre Qui est khôrô et Naza sur Ventripotent. Le prince de la rumba congolaise, Faly Ipupa, signe, quant à lui, l’un des featuring les plus entêtants et réussi de l’album, avec Biloko.

« Je n’écris pas, je ne compose pas »

Si la voix rauque et puissante de l’Ivoirien, ainsi que ces ego trip, restent des constantes qui raviveront ses fans de la première heure, nul doute que les nouvelles collaborations sont, elles, appelées à séduire un public beaucoup plus large. « Ce sont des grands frères, des petits frères, des amis. Ils ont voulu que l’on taffe ensemble, j’ai voulu que l’on taffe ensemble. Ils sont très forts, tous. On a taffé et on a donné le meilleur de nous-mêmes », déclare DJ Arafat. Interrogé sur son processus de création, il ajoute : « Moi, je n’écris pas, je ne compose pas. Je chante selon mes inspirations. Je ne sais pas comment cela fait pour venir, mais cela vient. »

Au bout d’une demi-heure, interpellé par le verre que le musicien tient à la main en présence des caméras, le directeur général du label interrompt brièvement l’interview, pour éviter toute publicité impromptue de la marque d’alcool. « Ça, c’est les comportements de DG ! », blague DJ Arafat. Chassez le naturel…

La playlist de Binetou : DJ Arafat, le « bad boy populaire » du coupé-décalé
Durée : 04:42