L’inscription dans la loi du 20 janvier 2016, dite « de modernisation de notre système de santé », de la possibilité pour les médecins de prescrire une activité physique et sportive à leurs 10 millions de patients atteints d’une affection de longue durée (ALD), avait fait l’effet d’une bombe. Notre système de santé allait-il donc prendre en charge une partie du coût financier de la pratique sportive, quand celle-ci est justifiée par des fins préventives ou thérapeutiques ?

C’était faire fi du contexte des finances publiques. De remboursement, il n’était pas question, seulement d’encouragement. Ce qui ne veut pas dire que rien n’a bougé depuis lors. Un questionnaire adressé aux 4 720 médecins de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Auvergne-Rhône-Alpes montre que la proportion de ceux qui prescrivent de l’activité physique à leurs patients a quasiment doublé depuis le vote de la loi, passant à 26,8 %.

Dispositifs locaux

Le retentissement de cette mesure, quoique seulement incitative, a fait bouger les mentalités. Quelques acteurs n’avaient pas attendu la loi et avaient pris les devants. C’est le cas de la ville de Strasbourg, qui a lancé dès 2012 son dispositif sport-santé sur ordonnance, grâce auquel plusieurs centaines de personnes atteintes de maladies chroniques et possédant une prescription médicale ont pu bénéficier d’une prise en charge totale la première année de pratique d’une activité physique, et d’une prise en charge partielle les deux suivantes.

Certaines mutuelles et associations lui ont emboîté le pas. C’est le cas également de plusieurs dizaines de municipalités, rassemblées dans un groupe de travail national des villes sport-santé sur ordonnance. En mars 2018, celui-ci a appelé le gouvernement à « un acte politique fort », lui demandant de « se projeter vers la reconnaissance pleine et entière de l’activité physique adaptée comme un axe structurant de la politique de santé et du sport en France ». Ce sera l’un des sujets abordés, jeudi 31 janvier, au casino de Balaruc-les-Bains (Hérault), lors du Forum Sport & Santé organisé en partenariat par Le Monde et la communauté d’agglomération Sète Agglopôle Méditerranée.

Le coût social de prise en charge des malades en ALD s’élève à environ 90 milliards d’euros et celui des maux provoqués par la sédentarité à 17 milliards d’euros

La pression monte car c’est dans les mois qui viennent que devrait être dévoilée la stratégie nationale sport-santé, élaborée conjointement par les ministères des sports et de la santé. Ce pourrait être l’occasion de concrétiser l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron : la création de maisons du sport-santé, qui devraient faciliter la pratique sportive pour des personnes atteintes d’affections lourdes ou désireuses de reprendre une activité physique.

Une autre mesure figurait également dans le programme du futur président : le remboursement des licences sportives pour les personnes atteintes d’affections de longue durée s’étant vu prescrire la pratique d’une activité physique par leur médecin. Ce serait un premier pas vers une prise en charge financière de la pratique du sport par l’Etat ou l’Assurance-maladie.

Pour les défenseurs de cette mesure et, plus largement, du sport sur ordonnance, le calcul est simple. Le coût social de prise en charge des malades en ALD s’élève à environ 90 milliards d’euros, et celui des maux provoqués par la sédentarité à 17 milliards d’euros. Une prise en charge même partielle du sport sur ordonnance ferait faire au système social français, assurent-ils, des économies bien supérieures à son coût.

Vertus préventives et curatives

Le gouvernement franchira-t-il le pas ? C’est en tout cas la préconisation de la mission parlementaire qui a rendu ses conclusions en février 2018 sur le sport sur ordonnance. « L’un des défauts majeurs du décret [d’application de la loi du 20 janvier 2016] du 30 décembre 2016 tient à ce qu’il n’a rien prévu en matière de financement », a déclaré le rapporteur de cette mission, le député (LREM, Moselle) Belkhir Belhaddad.

Les vertus préventives et curatives du sport face à la sédentarité et aux maladies chroniques ne font plus guère de doute. La Haute Autorité de la santé a publié en septembre un guide destiné à aider les médecins à prescrire une activité physique face à six pathologies, dont l’obésité et les maladies coronariennes. Elle a prévu de compléter ce travail par la publication en 2019 de référentiels pour cinq autres situations, dont le cancer et la dépression.

Plus récemment encore, en décembre, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a annoncé le lancement, en collaboration avec le groupe Vidal, spécialiste de l’information sur la santé, de la version numérique du Médicosport-santé, un dictionnaire à destination des médecins qui « recense les caractéristiques physiques, physiologiques et mentales de chaque discipline sportive ». Bref, un « Vidal » du sport. La preuve que le « sport médicament » devient une réalité.

Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Sète Agglopôle Méditerranée à l’occasion du Forum Sport & Santé.