Les députés ont voté mercredi 30 janvier l’article 2 de la loi dite « anticasseurs ». / PHILIPPE LOPEZ / AFP

C’était la disposition qui faisait l’objet des plus vives critiques, y compris au sein de la majorité. L’Assemblée nationale a donné son feu vert, mercredi 30 janvier, à la possibilité pour les préfets de prononcer des interdictions de manifester, dans le cadre de la loi « anticasseurs » voulue par le gouvernement suite au mouvement des « gilets jaunes ».

Les préfets pourront prononcer des interdictions de manifester à l’encontre d’individus représentant « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », sous peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Dans l’arsenal juridique français, ces interdictions administratives préalables s’ajouteront aux interdictions qui peuvent déjà être prononcées par la justice lors de condamnations.

Des « critères objectifs » ajoutés

« Il ne faut pas caricaturer » cet article 2 et « en aucun cas il ne s’agit d’autre chose que de garantir le droit de manifester », a assuré le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Des « critères objectifs » ont été ajoutés, a précisé son secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez : la personne devra avoir commis des « atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens » ou encore « un acte violent » lors de manifestations précédentes.

Le préfet sera alors en droit d’imposer une convocation à la personne concernée, afin qu’elle ne se rende pas à la manifestation. En cas de risque de participation à d’autres rassemblements, a ajouté le gouvernement, le préfet pourra interdire à la personne de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national pour une durée allant jusqu’à un mois.

Les personnes « interdites » de manifester pourront faire un recours en urgence devant la justice administrative, a précisé un amendement de la rapporteure Alice Thourot (LREM) qui a été adopté.

Manque de « garde-fou »

L’ensemble de la gauche est monté au créneau, dénonçant des « lettres de cachet » (Parti socialiste) ou une « loi de circonstance » (Parti communiste français) face aux « gilets jaunes », qui s’attaque « aux libertés fondamentales de tout un peuple » et introduit dans le droit commun une mesure permise dans le cadre de l’état d’urgence (La France insoumise).

Le Rassemblement national s’y est également opposé, critiquant un calque des interdictions de stade pour les hooligans, alors que la liberté de manifester est d’un niveau supérieur. « On se croit revenu sous le régime de Vichy », s’est exclamé Charles de Courson (Libertés et territoires), suscitant de vives protestations dans la majorité et à droite.

Dans les rangs des « marcheurs », quelques voix se sont également élevées pour réclamer la suppression de l’article, manquant de « garde-fou » selon Delphine Bagarry. Aurélien Taché s’est aussi inquiété de ce que pourrait en faire un pouvoir autoritaire. D’autres élus LREM ont défendu, en vain, des amendements pour un meilleur encadrement. De leur côté, les députés MoDem ont plaidé pour une condamnation pénale préalable de la personne.

A l’inverse, Les Républicains, par la voix d’Eric Ciotti, ont défendu une mesure d’interdiction « opportune et pertinente » qui « va faire progresser la sécurité de nos concitoyens, des forces de l’ordre et des manifestations ».