Ils sont plusieurs centaines à s’être présentés, ce 22 janvier, dans la salle polyvalente du lycée Hélène-Boucher, à Paris : les parents d’élèves de 2de doivent assister à une présentation des différentes spécialités du « lycée Blanquer ». A partir de la rentrée, les séries S, ES et L du lycée général laissent place à ce nouveau système « à la carte ». Leurs enfants seront la première génération à devoir choisir.

Il faut dire que le temps presse : une fiche de dialogue est à rendre pour le 1er février. Les élèves doivent y indiquer, par ordre de préférence, quatre vœux de spécialité, pour n’en retenir que trois à la fin de l’année. Le conseil de classe du deuxième trimestre rendra un premier avis courant février, puis un second au troisième trimestre. Les élèves seront alors invités à se prononcer sur leur choix définitif. Personne ne s’en cache : pour les proviseurs, ces fiches servent aussi à connaître les préférences des lycéens pour commencer à constituer des groupes.

« S’il ne sait pas quoi faire, votre enfant doit d’abord choisir ce qu’il aime », explique la proviseure, Armelle Nouis.

Dans la tête des parents, pourtant, rien ne semble clair. L’absence des mathématiques dans le tronc commun d’enseignement cristallise les angoisses. « Peut-on se permettre de ne pas prendre de maths en 1re ? », lance une mère d’élève. « Cela dépend du projet d’études », répond la proviseure, Armelle Nouis. « Mais justement, ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire ! », se désespère la mère. « S’il ne sait pas quoi faire, votre enfant doit d’abord choisir ce qu’il aime, tempère la proviseure. Le principe de la réforme du lycée est de travailler avec l’élève sur son profil, sur ce qu’il aime et sur ses compétences. »

Inutile donc de pousser un enfant vers les mathématiques s’il y est allergique. Mais quid de l’entrée, ensuite, dans les facultés d’économie – où les maths sont bien présentes – et de la première année commune aux études de santé ? Pour beaucoup de parents, les « attendus » du supérieur restent flous.

« Il faut assurer ses arrières »

Ailleurs aussi, les questions fusent. Eva Bessac a un fils en 2de au lycée Buffon, à Paris, qui ignore ce qu’il veut faire et penche pour une combinaison langue étrangère – physique – français, que sa mère ne trouve pas très logique, elle qui a fait des études de mathématiques. « Il faut assurer ses arrières, explique-t-elle, certains changements de trajectoire sont possibles, d’autres pas. »

Cette mère de famille a consulté la documentation disponible en ligne, le site Horizons 21, qui permet aux élèves de 2de de visualiser les poursuites d’études en fonction des spécialités choisies, mais aussi la plate-forme d’orientation Parcoursup… « Il y a beaucoup de choses, et mon fils lui-même ne sait pas toujours ce qu’il y a derrière les intitulés de filière, s’inquiète-t-elle. Les 2des de cette année vont payer les pots cassés. On leur demande de choisir alors qu’ils ne savent pas encore ce qu’on leur demandera dans deux ans sur Parcoursup. »

« Ma fille a le sentiment qu’elle n’aura pas les mêmes chances que ceux qui ont eu leur bac l’année précédente », abonde Anna Bogunovic, mère d’une élève.

« Ma fille a le sentiment qu’elle n’aura pas les mêmes chances que ceux qui ont eu leur bac l’année précédente, abonde Anna Bogunovic, mère d’une élève à Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne), un lycée de secteur un peu perdu dans la campagne. » Sa fille compte inscrire sur la fiche de dialogue les spécialités langue étrangère, histoire-géographie, SES et lettres-philosophie. Comme beaucoup de parents d’élèves aux profils de « faux littéraires », qui s’intéressent aux sciences humaines et à l’actualité, Anna Bogunovic s’inquiète de voir sa fille pencher pour l’économie sans faire de maths. Elle se demande aussi quelle spécialité devra être abandonnée en terminale, puisqu’il ne faudra en conserver que deux.

D’autres parents s’interrogent en outre sur la disponibilité des spécialités et sur le casse-tête que représenterait un changement de lycée. Franck Leclerc est parent d’élève à Arras. Sa fille s’intéresse aux arts, mais la spécialité théâtre n’est pas proposée dans son lycée. « Ma fille est bien là où elle est, rapporte son père. Elle hésite un peu, parce qu’elle préférerait rester dans son lycée. Ce n’est pas facile de prendre ce genre de décisions, à 15 ans. »