Dans le paysage éclaté de la gauche française, la construction d’un pont est toujours à relever. C’est ce que viennent de faire les députées Clémentine Autain (Seine-Saint-Denis, La France insoumise) et Elsa Faucillon (Hauts-de-Seine, PCF) en lançant « Le Fil des communs », un club qui veut contribuer à rénover la gauche.

Dans leur premier texte paru fin janvier, les deux femmes qui codirigent la revue Regards, prennent exemple sur le mouvement des « gilets jaunes » pour dire qu’il est temps « d’aller au-delà des formes traditionnelles du mouvement ouvrier ». Elles ajoutent : « Cela ne signifie pas que syndicats, communistes, socialistes ne sont plus mais qu’ils n’ont plus, à eux seuls, la capacité d’entraînement et d’encadrement d’hier. »

« Cela fait un moment que l’on y pense. On veut mettre au pot commun, renouveler les idées… On veut lutter contre la désespérance de certains militants, rappelle Clémentine Autain. Il faut apporter une contribution dans un moment où le mouvement ouvrier semble à bout de souffle. C’est une période nouvelle. » Et de plaisanter : « Ce n’est pas aussi ambitieux qu’Emmanuel Maurel qui lance un parti politique ! » L’ancien socialiste qui est candidat sur la liste de La France insoumise (LFI) aux européennes doit créer, les 2 et 3 février, avec le Mouvement républicain et citoyen une formation politique voulant représenter « la gauche républicaine ».

« Pas de triangulation »

« Le Fil des communs » publiera d’abord une newsletter hebdomadaire, puis devrait se déployer sur « tout le territoire » par le biais de conférences et de réunions. « On veut parler de tous les sujets, mais aussi de la stratégie. Il n’y a pas d’opposition entre vouloir fédérer le peuple [la stratégie portée par Jean-Luc Mélenchon] et l’union de la gauche [celle du PCF]… Il faut fédérer le peuple sur des idées de gauche », continue Mme Autain.

Le texte de Mmes Autain et Faucillon recèle quelques piques en direction de leurs formations respectives.

Car le texte de Mmes Autain et Faucillon recèle quelques piques en direction de leurs formations respectives. Ainsi lorsqu’elles écrivent : « Il faut faire du neuf, pas de la triangulation politique. » C’est, en réalité, une critique à peine voilée adressée à M. Mélenchon. Certains insoumis estiment en effet, que l’ancien candidat à la présidentielle a commis une erreur en voulant séduire les « fâchés mais pas fachos » − selon l’expression du député des Bouches-du-Rhône − en ne signant pas l’appel pour l’accueil des migrants, lancé par Regards, Mediapart et Politis à la rentrée 2018.

Ou encore lorsque les auteures affirment que « le temps du refrain “priorité à la révolution contre le capitalisme, le reste viendra après” doit être révolu ». Ici, c’est la nouvelle direction du PCF notamment son secrétaire national Fabien Roussel, qui est visée. Cette dernière a été élue en novembre 2018 sur une ligne « identitaire » que Mme Faucillon estime rétrograde.

« Tout a été fait dans la transparence »

Pour l’instant, LFI et PCF assurent se réjouir de cette initiative. « Tout a été fait dans la transparence de la part de Clémentine. Tout ce qui permet de discuter est positif, affirme Manuel Bompard, chef d’orchestre de LFI. Il y a des communistes qui ne sont pas d’accord avec les orientations de la nouvelle direction. C’est une bonne chose d’échanger avec eux. » Cécile Cukierman, porte-parole du PCF, est du même avis : « Ce sont des choix individuels, il n’y a pas de commentaires particuliers à faire. Nous n’avons jamais refusé le dialogue surtout si c’est pour faire se retrouver une gauche éclatée. »

Elsa Faucillon affirme, quant à elle, qu’il y a eu « assez peu de réactions » dans les rangs communistes. Elle ajoute : « Il y a les restes du congrès [elle menait un texte qui a recueilli 12 % des voix et qui était favorable à une alliance avec LFI] mais il y a aussi de l’enthousiasme et de l’espoir. Même si certains me font les mêmes procès que pendant le congrès… Des procès rapides, pour ne pas dire staliniens… »

Car une question taraude les caciques de la Place du Colonel-Fabien : ce club serait-il un sas pour les minoritaires « Mélenchon-compatibles » du parti communiste pour rejoindre LFI ? Mme Cukierman botte en touche : « Chacun est libre de faire ce qu’il veut. La question n’est pas de savoir qui rejoint qui, mais de redonner envie aux gens de faire de la politique. »