L’ex-chef des Jeunes patriotes Charles Blé Goudé (à gauche) et l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, à Abidjan, le 9 octobre 2010. / SIA KAMBOU / AFP

La Cour pénale internationale (CPI) tient vendredi 1er février une audience sur la demande du procureur de maintenir en détention l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, dont la mise en liberté a été suspendue malgré son acquittement il y a plus de deux semaines. Jugés pour des accusations de crimes contre l’humanité commis entre 2010 et 2011 en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, ont été acquittés le 15 janvier en première instance. Les juges de la CPI avaient ordonné dans la foulée la mise en liberté immédiate des deux hommes. Celle-ci avait cependant été suspendue à la suite d’un appel déposé par le procureur.

Au cours de l’audience qui débutera à 9 heures 30 (8 heures 30 GMT), les juges de la chambre d’appel entendront les arguments du procureur, du représentant légal des victimes ainsi que des avocats de MM. Gbagbo et Blé Goudé. Ils devront ensuite décider, soit de maintenir les deux hommes en détention jusqu’à un éventuel procès en appel de leur acquittement, soit de leur accorder une liberté conditionnelle ou inconditionnelle.

Les juges devraient se prononcer à une date ultérieure de l’audience afin de « prendre le temps de délibérer et de préparer leur décision écrite », ont indiqué des sources de la CPI à l’AFP. Dans l’éventualité où ils ordonnent la mise en liberté immédiate de M. Gbagbo vendredi, il faudra plusieurs jours à la Cour pour régler les détails administratifs et logistiques.

Des preuves « exceptionnellement faibles »

En détention depuis plus de sept ans, Laurent Gbagbo, 73 ans, était jugé pour des crimes commis pendant la crise de 2010-2011, née de son refus de céder le pouvoir à son rival, l’actuel président ivoirien Alassane Ouattara. Les violences avaient fait plus de 3 000 morts en cinq mois. Il avait finalement été arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par l’ONU et la France. Il est le premier ancien chef d’Etat à avoir été remis à la CPI.

A la majorité, les juges de la chambre de première instance ont cependant estimé que les preuves présentées par l’accusation étaient « exceptionnellement faibles ». Le procureur devrait s’appuyer vendredi sur les arguments du seul juge ayant exprimé une opinion dissidente. Selon lui, « il existe des éléments de preuve permettant à une chambre de première instance raisonnable de condamner l’accusé ».

Le procureur avait auparavant évoqué un « risque concret » que MM. Gbagbo et Blé Goudé ne comparaissent pas devant la CPI si leur présence est requise dans le futur. Dans un document public, l’accusation avait déjà annoncé « son intention de faire appel » de la décision d’acquittement des deux hommes. Cette démarche distincte pourrait prendre des mois.

Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé étaient accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont toujours plaidé non coupable. L’annonce de l’acquittement de l’ancien président ivoirien avait provoqué des scènes de liesse chez ses partisans en Côte d’Ivoire, mais aussi un appel des autorités à « garder de la compassion pour les victimes ».

L’acquittement de M. Gbagbo intervient à une période sensible pour le pays, à l’approche des élections de 2020 visant à élire un successeur au président Alassane Ouattara, qui a annoncé qu’il ne se représentait pas après deux mandats de cinq ans.