Présentation de nouvelles recrues des Forces de sécurité centrafricaines FACA en août 2018, à Berengo, dans le sud-ouest de la RCA. / FLORENT VERGNES/AFP

L’ONU a entrouvert la porte à une demande de longue date des autorités centrafricaines. Le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, jeudi 31 janvier, un texte rédigé par Paris qui renouvelle pour un an, jusqu’au 31 janvier 2020, l’embargo sur les armes en Centrafrique. En vigueur depuis 2013, ce dernier interdit à Bangui de se procurer des armes sans l’aval du Conseil de sécurité. Mais les diplomates se disent, pour la première fois, ouverts à un allégement de cet embargo.

Lundi, plus de 3 000 Banguissois, dont le chef du gouvernement, Simplice Mathieu Sarandji, avaient manifesté pour demander sa levée totale. « S’il y a un verrou qui mérite d’être levé, c’est l’embargo qui frappe nos forces de défense et de sécurité », avait lancé le premier ministre avant de dénoncer une politique « du deux poids deux mesures ». « Le gouvernement respecte l’embargo alors que les groupes armés reçoivent des armes », s’était ému M. Sarandji.

Les autorités centrafricaines s’alarment de la montée en puissance des groupes armés rebelles qui contrôlent 80 % du territoire et de l’impuissance des Forces armées centrafricaines (FACA) affaiblie par des années de guerre civile.

Le message « a bien été entendu », a assuré l’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, qui reconnaît le besoin, « pour les autorités centrafricaines, de rééquiper et de former leurs forces de défense et de sécurité afin qu’elles puissent contribuer à la sécurité de l’ensemble des citoyens centrafricains ». L’adoption à l’unanimité de cette résolution envoie aussi « un message clair de soutien au président Faustin-Archange Touadéra dans ses efforts en faveur de la paix ».

Réforme et désarmement

Bangui devra toutefois justifier de progrès supplémentaires dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité, le désarmement et la réhabilitation des combattants armés, ainsi que la gestion et le stockage des armes. Le Conseil de sécurité lui fera parvenir d’ici la fin avril une feuille de route avec des mesures précises et opérationnelles à adopter, qui seront appréciées en juillet par un rapport du secrétaire général. En fonction de cette évaluation, les diplomates prévoient de se réunir avant la fin septembre pour décider d’un assouplissement de l’embargo : les autorités centrales pourront alors obtenir des armes sans en référer au Conseil de sécurité, mais les sanctions individuelles resteront en place.

Cette ouverture aux demandes centrafricaines intervient alors que les relations entre Paris et Bangui se sont dégradées ces derniers mois sur fond de rivalités avec Moscou dans l’encadrement des pourparlers de paix et d’aide logistique au gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra pour lutter contre les milices armées.

Depuis décembre 2017, la Russie, la Chine et la France ont obtenu des levées dérogatoires de l’embargo afin d’équiper les FACA, ce qui a conduit à des luttes d’influence et à une rapide mainmise de Moscou sur l’Etat centrafricain. Après avoir bloqué les dernières exemptions, Paris, Washington et Londres ont fait un pas en avant ces derniers jours en autorisant des livraisons chinoises et russes. M. Delattre a d’ailleurs confirmé que les autorités centrafricaines pourront « continuer de bénéficier des exemptions à l’embargo sur les armes » avant son probable assouplissement.

Dans un rapport rendu public en août 2018, les experts de l’ONU s’inquiétaient toutefois que la livraison récente d’armes au gouvernement avait relancé une course aux armements parmi les groupes rebelles, et en particulier chez certaines factions de l’ancienne alliance pro-musulmane Séléka, qui vont se fournir au Soudan voisin.