Analyse. Un climat toujours plus chaud, toujours plus extrême. La tendance au réchauffement s’est poursuivie en 2018, l’année devant se situer au quatrième rang des températures les plus élevées depuis le début des relevés météorologiques à la fin du XIXe siècle. 2016 détient pour l’heure le record.

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les signes révélateurs du changement climatique sont nombreux et toujours plus perceptibles. Elle relève dans l’étude provisoire sur l’état du climat mondial en 2018, publiée le 29 novembre 2018 : élévation du niveau de la mer, température et acidification de l’océan, fonte de la banquise et des glaciers… « Les concentrations de gaz à effet de serre ont, encore une fois, atteint des niveaux record et si la tendance se poursuit, la température risque d’augmenter de 3-5 °C d’ici à la fin du siècle, avance Petteri Taalas, secrétaire général de l’OMM. Si nous exploitons la totalité des ressources connues en combustibles fossiles, la hausse de la température sera nettement plus importante. »

Cette hausse des températures a été ressentie en France et en Europe. Selon Météo France, qui a publié un bilan provisoire le 21 décembre, la température moyenne sur l’année 2018 devrait être de 13,9 °C, soit 1,4 °C au-dessus de la moyenne de référence de la période 1981-2000. Cette année devient donc l’année la plus chaude depuis le début du XXe siècle, pour la France. La séquence de neuf mois consécutifs au-dessus des normales est inédite depuis le début des mesures. En Allemagne, en Autriche et en Suisse, 2018 bat aussi tous les records et, explique Météo France, « il est possible que ce soit aussi le cas à l’échelle de l’Europe ».

Si cette année n’est pas la plus chaude au niveau mondial, c’est dû notamment à un épisode La Niña durant les premiers mois de 2018, qui se caractérise par une température anormalement basse des eaux équatoriales de surface dans le centre et l’est de l’océan Pacifique. « Lors de la survenue de ce phénomène climatique récurrent, la hausse de la température est plus modérée », explique l’OMM.

Les scientifiques insistent sur l’importance du changement climatique à l’œuvre. En France, la température moyenne augmente régulièrement depuis plusieurs décennies. Neuf des dix années les plus chaudes dans l’Hexagone se sont produites après l’an 2000. Ce réchauffement climatique a de nombreuses conséquences. En France, cela se traduit par « des valeurs de chaleur plus fréquentes, moins de neige l’hiver en moyenne montagne, plus de surfaces impactées par la sécheresse… », explique Météo France.

Changements inquiétants

Au niveau mondial, c’est notamment au niveau des océans que les changements sont les plus perceptibles… et les plus inquiétants. « Les océans absorbent 90 % de l’énergie piégée par les gaz à effet de serre et 25 % des émissions anthropiques de CO2, ce qui les réchauffe et augmente leur acidité », détaille l’OMM. L’étendue de la banquise arctique a été bien inférieure à la normale, selon l’organisation. Conséquence, le niveau moyen de la mer, de janvier à juillet 2018, était supérieur d’environ 2 à 3 mm par rapport à la même période de l’année dernière.

Chaleurs intenses, sécheresses, inondations, tempêtes et ouragans sont les manifestations extrêmes du bouleversement climatique en cours. Ainsi, en 2018, le nombre de tempêtes cycloniques s’est révélé supérieur dans les quatre bassins océaniques de l’hémisphère Nord : 70 ont été recensées (au 20 novembre), alors que la « moyenne », selon l’OMM, est de 53.

L’inventaire réalisé par l’organisation internationale indique que deux des cyclones tropicaux les plus intenses ont été le typhon Mangkhut, qui a frappé les Philippines, Hongkong et les côtes chinoises à la mi-septembre, faisant une centaine de morts, et le typhon Yutu, au large des îles Mariannes, fin octobre. Le Japon, lui, a connu un violent typhon début septembre, Jebi, qui a causé la mort de 11 personnes.

Dans le Pacifique Sud, Gita a été le cyclone « le plus intense et le plus coûteux qui ait jamais frappé les Tonga », précise l’OMM. Le 12 février 2018, ses vents destructeurs ont touché l’île principale de Tongatapu, puis l’île voisine d’Eua. De nombreuses habitations ont été détruites, deux personnes ont été tuées et quarante et une blessées : le porte-parole du Bureau national de gestion des urgences, Graham Kenna, a qualifié Gita de « pire situation au cours de [sa] carrière depuis trente ans ».

La saison cyclonique 2018, dans l’océan Atlantique nord, a surtout été marquée par les ouragans Florence et Michael. De catégorie 4, avec des vents atteignant 250 km/h, Michael a fait une soixantaine de morts (le plus meurtrier de toute la saison), dont 45 aux Etats-Unis, et provoqué des dégâts atteignant les 13 milliards d’euros. Cuba, le Nicaragua, le Honduras, le Salvador et les Etats-Unis ont été touchés, du 6 au 15 octobre. Début septembre, Florence et les inondations causées par l’ouragan ont coûté la vie à plus d’une trentaine de personnes dans le sud-est des Etats-Unis.

Au total, cette saison cyclonique, dans l’Atlantique nord, aurait tué plus de 150 personnes, entraînant des dégâts estimés à près de 47 milliards d’euros, soit beaucoup moins que l’année précédente. En 2017, pour la même zone, le nombre de morts avait été évalué à plus de 3 360 morts, et les dégâts matériels à un minimum de 280 milliards d’euros.

Chaleur et froid intenses

Dans un rapport publié le 23 novembre, commandé par le Congrès américain et rédigé par plus de 300 experts et treize agences fédérales, ses auteurs estimaient que plus de 9 000 Américains mourraient chaque année des conséquences du changement climatique, avec des vagues de chaleur ou de froid intenses. Et les pertes économiques pourraient atteindre des centaines de milliards d’ici à la fin du siècle.

Autre manifestation extrême du réchauffement, les incendies ont été particulièrement meurtriers cette année. Si, en Europe, le Portugal et l’Espagne ont été relativement épargnés, en comparaison avec 2017, c’est en Grèce que les incendies ont été les plus catastrophiques, tuant près d’une centaine de personnes, en juillet. Les températures élevées et la sécheresse ont entraîné des incendies à l’ampleur inédite en Suède. En Colombie-Britannique (Canada), les feux ont brûlé une superficie record pour la deuxième année d’affilée, indique l’OMM.

Aux Etats-Unis, en novembre, « Camp Fire » a été l’incendie le plus meurtrier qu’ait connu le pays depuis plus d’un siècle. Il aurait fait 85 morts, selon un bilan du 3 décembre, onze personnes étant portées disparues. Le feu a ravagé 620 km2 de forêt.

Sur le front des catastrophes climatiques, les inondations ont aussi été particulièrement virulentes et meurtrières. Plus de 200 personnes ont ainsi péri suite aux inondations et aux glissements de terrain dans l’ouest du Japon en juillet. L’Etat du Kerala, en Inde, a connu « les pires inondations depuis les années 1920 », selon l’OMM, entraînant, en août, l’évacuation de 1,4 million de personnes et faisant plus de 400 morts.

Selon les chiffres disponibles en septembre 2018, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que sur les 17,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, 2,3 l’ont fait en raison de catastrophes liées à des phénomènes météorologiques ou climatiques.

« Le Bilan du Monde 2019. Géopolitique, environnement, économie », 218 pages, 12 euros, vendu en kiosque et sur le site Boutique.lemonde.fr

Cet article a été publié dans « Le Bilan du Monde 2019. Géopolitique, environnement, économie » (218 pages, 12 euros), vendu en kiosque et sur le site Boutique.lemonde.fr