Usine d’Ascoval à Saint-Saulve, dans le Nord, 8 novembre 2018. / Pascal Rossignol / REUTERS

Ils ont désormais les clés d’Ascoval. Vendredi 1er février, le groupe Altifort est entré en possession de l’aciérie de Saint-Saulve (Nord), près de Valenciennes. Après quarante-deux années passées dans le giron de Vallourec, et un an d’administration judiciaire, l’usine tourne une nouvelle page de son histoire. Elle s’annonce difficile. D’ailleurs, les salariés, touchés par le chômage partiel, en conviennent. Jeudi 29 janvier, Bart Gruyaert, le coactionnaire d’Altifort, avait confié à Franceinfo qu’il faudrait attendre « un délai de douze à quinze mois » pour assurer la survie de ce site sidérurgique refait à neuf en 2014.

L’acquéreur, qui a promis d’investir 152 millions d’euros en faveur de son développement, a fort à faire. Alors que l’usine fournissait exclusivement Vallourec, et depuis deux ans Ascometal (Schmolz + Bickenbach), elle doit désormais trouver de nouveaux clients, car « ces deux donneurs d’ordre sont désormais des concurrents », confirme Cédric Orban, son directeur.

Rapidement, trois commerciaux devraient rejoindre l’aciérie afin de multiplier les démarches auprès de clients potentiels à travers l’Europe et le monde. Pour M. Gruyaert, il faudra en trouver au moins « 40 à 50 » pour garantir le plan de charge de l’usine de 281 salariés, qui est dotée de près de 500 000 tonnes de capacité de fabrication d’acier. L’usine n’est pas dénuée d’atouts, selon son nouveau propriétaire : « Elle est la moins polluante du monde et la deuxième plus moderne d’Europe. »

Réduire les coûts de production

Lors de l’acquisition, « on a fait un budget pour 2019 avec une production de 200 000 tonnes et aujourd’hui, la majorité de ce tonnage est déjà engagée. On se situe sur le marché des aciers spéciaux, dans lequel il y a seulement 10 % d’importations hors d’Europe », poursuit le cofondateur d’Altifort. « Nos aciers ronds ont des caractéristiques mécaniques supérieures aux aciers ordinaires pour des environnements hostiles comme le nucléaire, les essieux de TGV », assure le chef d’entreprise. De manière générale, plus l’acier est spécial, plus il est susceptible d’être vendu à un prix élevé.

Alors que près de 200 devis et cotations ont été rédigés ces derniers mois, « tous souhaitent nous tester avant d’aller plus loin, explique M. Orban. Ils nous commandent typiquement une ou deux coulées de 200 tonnes. Ensuite, si cela correspond à la qualité attendue et au coût espéré, cela peut rapidement monter à plusieurs milliers de tonnes. » En plus des petites commandes, de 3 000 à 5 000 tonnes, M. Gruyaert espère attirer de gros clients pour plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an, notamment dans le secteur pétrolier, mais le marché de l’acier spécial s’est tendu fin 2018.

Pour le sidérurgiste, l’urgence est de réduire encore ses coûts de production. L’an dernier, le prix de revient d’une tonne d’acier a déjà fondu de 400 à 270 euros, alors que celui du marché se situe autour de 220 euros… « A terme, nous visons un coût de 185 euros la tonne, souligne Cédric Orban. Afin de l’atteindre, nous avons déjà engagé une multitude de petites actions, entre la renégociation de certains contrats et l’amélioration continue de nos processus de fabrication. »

Des pièces à forte valeur ajoutée

M. Gruyaert entend également mieux valoriser sa forge pour diversifier sa production avec des pièces à forte valeur ajoutée. Enfin, dans le même esprit, Altifort s’est engagé, lors de la reprise du site, à installer un train à fil. Les études de marché doivent être lancées dans les semaines à venir et les premières machines devraient arriver à l’horizon 2020-2021.

Assez rapidement, Altifort devrait pouvoir compter sur l’argent public promis par l’Etat (25 millions d’euros), la région (12 millions) et la communauté de communes du Valenciennois (12 millions). Jeudi, lors de la séance plénière du conseil régional des Hauts-de-France, les élus ont voté son prêt de 12 millions afin de financer le fonds de roulement de l’aciérie.

« Il faut désormais que les marchés soient au rendez-vous, commente la sénatrice UDI du Valenciennois, Valérie Létard. Et il faut aller vite dans la mise en œuvre et l’accompagnement pour un train à fil. » Très impliquée dans ce dossier, l’élue rappelle qu’« aucun projet n’est sans risque, mais ce qui aurait été grave, c’est de croire qu’il n’y avait pas d’avenir industriel dans notre région. C’est un vrai beau projet ».

Dès la semaine prochaine, Mme Létard participera au lancement d’une commission d’information sur la filière sidérurgique en France. « Les vingt-sept sénateurs de cette mission seront chargés, confie-t-elle au Monde, de faire un point sur la filière pour regarder les dossiers, anticiper et sécuriser la sidérurgie française. »