Sur les 800 kg de cette viande avariée, 150 kg avaient été vendus à des consommateurs, en boucherie notamment. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

La FNSEA, première organisation du monde agricole français, s’est dite « révoltée » samedi 2 février par la découverte à travers l’Europe de viande provenant d’un abattage illégal en Pologne, évoquant une fraude « terrible » et renvoyant le consommateur à sa responsabilité de manger des produits français.

« Il y a une fraude commerciale terrible », a déclaré sur la radio Europe 1 Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), se disant « révoltée de voir que des circuits commerciaux comme ça existent encore ».

Plusieurs pays de l’Union européenne, dont la France, cherchent depuis vendredi à localiser, pour en empêcher la consommation et la détruire, de la viande de bœuf avariée en provenance de Pologne, issue d’un abattage illégal et dont près de trois tonnes ont été exportées dans l’UE.

150 kg toujours recherchés

En France, les services sanitaires ont découvert près de 800 kg de cette viande qui selon Varsovie ne présente pas de risque sanitaire. Sur ces 800 kg, 500 kg ont été détruits, 150 kg avaient été vendus à des consommateurs, en boucherie notamment, et 150 kg sont toujours recherchés par les autorités.

« C’est totalement anormal que des opérateurs, pour gagner plus, fassent entrer des viandes peu sûres comme celles-ci », a déclaré Mme Lambert. Elle en a appelé à la vigilance du ministère de l’agriculture et des autorités sanitaires, tout en renvoyant la responsabilité aux choix des consommateurs. « Si le consommateur exige de la viande française en restauration hors domicile, en grande surface et chez son boucher, on ne verra plus ces flux commerciaux frauduleux », a-t-elle assuré.

Le ministère français a déclaré avoir eu connaissance de l’information « par la presse », puis avoir été informé par le réseau d’alerte européen (le Rapid Alert System for Food and Feed, RASFF) que neuf entreprises étaient destinataires de lots de viande incriminés pour un poids total de l’ordre de 800 kilos. « C’est une fraude terrible, une fraude économique, une fraude sanitaire d’un abattoir polonais », a jugé le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume.

L’affaire a été révélée par l’enquête d’un journaliste de la chaîne polonaise TVN24, qui a passé trois semaines dans l’abattoir de Kalinowo (nord du pays). Il a publié des images de bovins traînés la corde au cou, manifestement malades, serrés dans un camion, puis de carcasses entassées et de quartiers de viande visiblement impropres à la commercialisation.

2,7 tonnes vendues en Europe

Le ministre polonais de l’agriculture a reconnu la fraude en soulignant qu’il s’agissait d’un « incident isolé ». « Nous avons affaire à une pathologie : sur un site, des vaches malades étaient abattues à l’insu, et sans le feu vert, des vétérinaires », a-t-il affirmé à la chaîne publique TVP Info. Le commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, a annoncé une inspection en Pologne la semaine prochaine. Il a appelé Varsovie à assurer le respect des normes européennes, alors que le pays reste un grand exportateur de viande en Europe ; il produit environ 560 000 tonnes de bœuf par an, dont 85 % sont exportés.

Le responsable des services vétérinaires polonais, Pawel Niemczuk, a de son côté déclaré que sept tonnes de viande provenant de cet abattoir avaient été distribuées dans une vingtaine de points de vente en Pologne.

Dans l’UE, 2,7 tonnes de viande avariée ont été vendues à la Finlande, la Hongrie, l’Estonie, la Roumanie, la Suède, la France, l’Espagne, la Lituanie, le Portugal et la Slovaquie. Les autorités slovaques ont annoncé avoir découvert au moins trois cargaisons de viande de bœuf importées de Pologne, qu’elles estiment liées à cette affaire.

En France, UFC-Que choisir a demandé que soient révélés « les marques, produits et numéros de lots » des produits éventuellement concernés. L’association de consommateurs recommande, lors de l’achat de produits à base de viande bovine (plats cuisinés, sauces contenant de la viande…), de « privilégier ceux mentionnant explicitement le pays précis d’origine dans la liste des ingrédients [hors Pologne], plutôt que ceux qui utilisent la mention opaque “UE” [Union européenne] ». De son côté, l’organisation non gouvernementale Foodwatch a critiqué « l’opacité » des scandales alimentaires pour les consommateurs.

L'impact de la viande sur l'environnement expliqué en 4 minutes
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