Un Airbus A320 de British Airways décolle de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, en octobre 2017. / PASCAL PAVANI / AFP

Alors que les sénateurs examinent la loi Pacte, dont l’un des volets est la privatisation d’ADP (ex-Aéroports de Paris), les regards sont braqués sur... Toulouse. Près de quatre ans après avoir pris le contrôle de l’aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB), en avril 2015, la holding Casil Europe a lancé le processus de vente de sa participation de 49,99 %. Depuis jeudi 31 janvier, les offres de rachat affluent. Une dizaine de candidats auraient déjà déposé des propositions chiffrées.

Parmi la dizaine de prétendants se trouveraient quatre repreneurs français. Selon nos informations, Vinci, déjà actionnaire du groupe ADP, qui contrôle les aéroports parisiens de Roissy, d’Orly et du Bourget, serait sur les rangs . « Oui, ils sont intéressés », assure-t-on de bonne source.

Cette candidature n’est pas une surprise. Lors de la privatisation de l’aéroport, Vinci avait rivalisé avec Shandong High Speed Group et le fonds d’investissement hongkongais Friedmann Pacific Asset Management (FPAM), qui ont créé Casil Europe. Le groupe spécialisé dans la gestion d’autoroutes, de parkings et d’aéroports était arrivé en deuxième position, avec une offre 17 % inférieure à celle du duo, qui avait déboursé 308 millions d’euros pour l’emporter.

Outre Vinci figureraient le groupe de BTP Eiffage et des recalés de la privatisation, tels l’assureur Axa associé à l’australien Macquarie, spécialisé dans les infrastructures d’aéroport, ou encore le fonds d’investissements Ardian, en tandem avec des banques régionales, Banque populaire et la Caisse d’épargne. Le processus de vente pourrait prendre « entre quatre et six mois ». De fait, la cession ne devrait être bouclée qu’à l’été.

Bien qu’ils s’en défendent, il semblerait que ce soit la décision de l’Etat, prise début 2018, de conserver sa participation de 10,01 % dans le capital de l’aéroport qui poussent les actionnaires chinois à se désengager. S’ils avaient pu la reprendre, ils auraient été majoritaires. La perspective de faire une bonne affaire pourrait aussi motiver Shandong High Speed Group et FPAM. En effet, l’aéroport de Toulouse est désormais valorisé à plus de 1,1 milliard d’euros, contre 795,5 millions en 2015.

Ire des collectivités locales

La participation de 49,99 % portée par Casil Europe est évaluée à plus de 530 millions d’euros. Une cession à ce niveau de valorisation serait très lucrative pour les actionnaires chinois, dans la mesure où ils réaliseraient une plus-value de plus de 200 millions d’euros, sans oublier les dividendes que les actionnaires de l’aéroport se sont versé pendant quatre ans. A eux seuls, Shandong High Speed Group et le FPAM auraient empoché près de 50 millions d’euros. In fine, leur bénéfice total culminerait donc à 250 millions d’euros.

Ces chiffres suscitent l’ire des collectivités locales, actionnaires à 40 % d’ATB. Mais chez Casil, d’aucuns font remarquer « que ce sont l’Etat et les collectivités locales qui ont fait une très bonne affaire » avec cette privatisation. Selon eux, l’aéroport ne s’est jamais aussi bien porté. Depuis 2015, Toulouse aurait enregistré « la plus forte croissance des aéroports français », avec un chiffre d’affaires en hausse de 40 % sur la période. A les en croire, cet essor devrait se poursuivre dans les années à venir, grâce notamment à la nouvelle aérogare, qui a été inaugurée le 22 janvier.

Au-delà de la question de la plus-value potentielle que réaliserait Casil, un autre point irrite les collectivités locales : l’opacité qui entoure les actionnaires chinois contrôlant la holding. En 2015, Mike Poon, président de Casil Europe, qui venait de devenir propriétaire de l’aéroport de Toulouse, avait disparu pendant six mois. En guise d’explication, il avait déclaré, dans un entretien à La Tribune, avoir « pris du temps pour voir sa famille ».

Dans un rapport rendu à la mi-novembre 2018, la Cour des comptes dénonçait les zones d’ombre de Casil Europe. Selon ce document, la holding est « un acquéreur dont le profil soulève des inquiétudes » quant à « son manque d’expérience en matière de gestion aéroportuaire », « son manque de transparence financière » et ses « liens avec la puissance publique chinoise ».

Jeudi 31 janvier, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a proposé de recevoir les collectivités locales « Nous prendrons la décision ensemble sur les 10,01 % de participation de l’Etat qui restent dans l’aéroport de Toulouse, avec un seul objectif : le développement de votre aéroport », a-t-il assuré. Pour éviter la cession d’une majorité du capital à un actionnaire privé, Françoise Laborde, sénatrice RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) de Haute-Garonne, a proposé au gouvernement « d’étudier une vente des parts de l’Etat aux collectivités locales (...) afin d’assurer une majorité stable et sereine » à l’aéroport de Toulouse.