Utilisé depuis plus de cinquante ans, l’anticancéreux 5-FU se retrouve au banc des accusés. Quatre familles de victimes de la toxicité de cette molécule de chimiothérapie ont déposé plainte contre X, lundi 4 février. Elles reprochent aux autorités sanitaires de ne pas avoir recommandé plus tôt un test qui aurait permis de déceler la sensibilité des victimes à ce traitement, selon leur avocat, qui accuse : pour trois d’entre elles, « la cure qui devait les soigner les a envoyés au cimetière ».

Les plaintes « contre X pour homicide involontaire, blessures involontaires pour mise en danger de la vie d’autrui, qui émanent des proches de trois personnes décédées et d’un homme qui a souffert gravement de cette toxicité, sont déposées au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris », a précisé Me Vincent Julé-Parade.

Les médicaments en cause, sont à base de 5-fluorouracile, dit 5-FU, ou de son précurseur, la capécitabine. « C’est une affaire de santé publique, une affaire de masse », dit l’avocat, qui concerne, estime-t-il, « des dizaines, voire des centaines, de cas » d’accidents toxiques. « Les connaissances scientifiques permettaient de longue date de mettre en place un dépistage qui aurait permis d’éviter ces drames », plaide-t-il. Il entend par ces plaintes visant la responsabilité des autorités publiques et sanitaires « jeter un pavé dans la mare » et « éviter de nouvelles victimes ».

« On joue à la roulette russe »

Chaque année en France, environ 90 000 personnes atteintes d’un cancer – principalement digestif, du sein ou ORL – sont nouvellement traitées par le 5-FU, un anticancéreux essentiel parmi les plus utilisés en chimiothérapie, seul ou associé à d’autres anticancéreux, d’après l’Institut national du cancer (INCa) cité par le ministère de la santé.

Mais chez certains patients, qui présentent un déficit total ou partiel d’une enzyme particulière, les effets toxiques du 5-FU sont décuplés. Il faut alors adapter la dose ou utiliser d’autres molécules. Le 5-FU et son précurseur sont « contre-indiqués chez les patients qui ont un déficit total connu », car ils sont « considérés comme extrêmement à risque », soulignait le ministère dans une réponse écrite au Parlement le 9 décembre 2018.

Des tests existent pour dépister les patients à risque, mais jusqu’à récemment certains hôpitaux ne les pratiquaient pas. « Quelque part, on joue à la roulette russe, selon le lieu où l’on est traité », lance Me Vincent Julé-Parade, qui dénonce cette « inégalité territoriale ». Le 8 février 2018, l’Agence du médicament (ANSM) a recommandé le dépistage. Et le 18 décembre, l’INCa et la Haute Autorité de santé (HAS) ont recommandé la réalisation systématique d’une des deux méthodes de dépistage, « pour prévenir certaines toxicités sévères » des chimiothérapies par 5-FU.

« Les fluoropyrimidines (5-FU et capécitabine) peuvent entraîner des toxicités sévères chez un patient sur cinq, voire des décès (entre un patient sur cent et un patient sur mille). Une partie de ces toxicités est liée à un déficit d’activité » de l’enzyme DPD, soulignait l’INCa, précisant que ce « déficit peut être partiel (3 à 5 % des patients) ou total (entre 0,01 % et 0,5 % des patients) ».

La nanomédecine contre le cancer
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Images : Universcience, La Belle Société Production, Muséum national d'histoire naturelle, Inserm, CNRS, Ville de Senlis, Ceebios, France TV Education, Away to Wake up productions.