Rudi Garcia est un homme chanceux. Il est toujours entraîneur de l’Olympique de Marseille, en dépit des résultats catastrophiques de l’OM cette saison. Une rareté dans ce club habitué à limoger ses entraîneurs aux premiers soubresauts.

Après la défaite sur la pelouse de Reims samedi 2 février (2-1), l’espoir d’accrocher le podium, et donc une place pour la lucrative et indispensable Ligue des champions, est quasiment envolé. L’OM, 10e du classement de Ligue 1, à 12 points de Lyon, 3e, devait recevoir Bordeaux, mardi 5 février, dans un Stade-Vélodrome désespérément vide à la suite du huis clos décidé par la Ligue de football professionnel (LFP), après des incidents survenus lors de la réception de Lille, fin janvier.

Outre l’absence de supporteurs, les Phocéens devaient jouer sans leur recrue italienne Mario Balotelli, non éligible pour cette rencontre – il s’agit d’un match en retard –, ni Florian Thauvin et Kevin Strootman, suspendus. Ils devaient aussi se passer des cadres Dimitri Payet et Adil Rami, blessés. Pas les conditions idéales pour une équipe qui ne cesse de s’enfoncer et qui n’a remporté qu’un seul de ses douze derniers matchs. Comme un symbole d’une saison maudite où rien ne s’est passé comme prévu pour l’OM et son entraîneur.

Crime de lèse-majesté

Mais Rudi Garcia a de la chance, il a été prolongé en octobre 2018 jusqu’en 2021 et un licenciement coûterait (trop) cher au club olympien – on parle d’une indemnité de 12 millions d’euros – lui offrant un sursis inespéré. Selon le quotidien La Provence, Garcia aurait récemment expliqué en privé qu’il ne partirait « pas seul », sans s’étendre davantage sur l’identité de ceux qui « sauteraient » avec lui, mais laissant sous-entendre qu’il n’est pas l’unique responsable de cette situation.

Tous les voyants étaient pourtant au vert en début de saison et nombreux sont ceux qui louaient la stabilité au sein d’une équipe qui avait terminé l’année sur une finale, perdue, en Ligue Europa, et dont la dynamique d’ensemble laissait penser qu’elle n’aurait aucune peine à accrocher le podium. Mais tout est rapidement allé de travers et l’OM a été piteusement éliminé de toutes les coupes, nationales et européenne, dans lesquelles le club était engagé.

Devant la Commanderie, à Marseille, le 9 janvier. / BORIS HORVAT / AFP

Sans doute en surrégime la saison dernière, l’OM ne fait plus peur. L’absence de fond de jeu et le manque de combativité ne laissent pas augurer un avenir plus radieux. « Une troisième année dans un club aussi compliqué, neuf fois sur dix ça ne marche pas », tranche Roland Courbis, ancien entraîneur de l’OM, dans les colonnes du Parisien.

Les sorties médiatiques de Rudi Garcia ont eu le don d’agacer aussi bien les suiveurs réguliers de l’OM que les observateurs du monde du football. Ses récriminations persistantes sur l’arbitrage ne passent plus. Sa déclaration sur l’attaquant Mitroglou (« Ce n’est pas un joueur qui défend beaucoup, court beaucoup »), prêté lors du mercato hivernal au club turc de Galatasaray, a mis en lumière un entraîneur qui s’autorise régulièrement à critiquer publiquement ses joueurs, un crime de lèse-majesté dans le monde du football.

Les joueurs, pourtant, sont formels : ils n’ont pas « lâché » leur entraîneur. « Tout le groupe est derrière le coach », assurait Florian Thauvin début janvier. Un discours convenu qui ne masque pas le malaise palpable dans cette équipe.

Hache de guerre enterrée

Une réunion, qui s’est tenue la semaine dernière entre les différentes composantes du club, aurait permis d’enterrer la hache de guerre entre joueurs, dirigeants et supporteurs. Ces derniers réclament depuis plusieurs semaines la tête de l’entraîneur et du président Jacques-Henri Eyraud qui semble avoir lié son destin à celui de son coach.

« Ce moment difficile, un moment que je n’ai jamais vécu dans ma carrière, cela me rendra plus fort, c’est comme ça que je le prends, a déclaré Rudi Garcia en conférence de presse, lundi 4 février. On est venu me chercher pour un projet, j’entame ma deuxième saison pleine [il était arrivé en octobre 2016], il n’y a pas de changement dans notre manière de travailler cette année et la saison dernière » avec le président Jacques-Henri Eyraud et le directeur sportif Andoni Zubizarreta.

Il faut remonter à la saison 2015-2016 et au passage de l’Espagnol Michel pour trouver trace d’une telle mansuétude à l’égard d’un entraîneur en difficulté. La direction du club, appartenant encore à l’époque à Margarita Louis-Dreyfus, avait alors laissé la situation s’envenimer pour finalement limoger Michel pour « faute grave », ce qui vaut actuellement à l’OM un procès aux prud’hommes.