Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, lors d’une conférence de presse, à Bercy, le 4 février 2019. / CHARLES PLATIAU

Se relancer, et vite. A peine officialisée sa décision de rester à Bercy plutôt que de retourner à la mairie de Tourcoing (Nord), Gérald Darmanin a pris soin de se remettre en selle, en lançant de nouvelles pistes de réforme fiscale dans le cadre du grand débat national. Les niches fiscales sont parfois « efficaces » mais peuvent également nuire à la « progressivité de l’impôt », a ainsi estimé, lundi 4 février, le ministre de l’action et des comptes publics, en proposant de les revoir au profit des moins aisés.

Ces propos, tenus en tant que « citoyen de la République » à l’issue d’une conférence de presse qu’il avait pourtant dédiée au prélèvement à la source, et tout au long de laquelle il s’était refusé à parler de tout autre sujet, permettent à l’ex-LR de revenir au centre du jeu politique. La réduction des niches fiscales revient en effet régulièrement parmi les revendications des Français qui participent au grand débat.

La veille, dans un entretien au Parisien dans lequel M. Darmanin affirmait « continue[r] [s]a tâche au gouvernement », il avait proposé « que l’on revienne [sur les niches fiscales] en diminuant le plafond global des niches, ou qu’on les mette sous condition de ressources pour qu’elles profitent aux classes moyennes et populaires plutôt qu’aux plus aisés ».

« Justice fiscale »

Ces niches fiscales « sont parfois efficaces (…), elles servent parfois à des choses très concrètes » comme lutter « contre le travail au noir par exemple », a détaillé le ministre, lundi. Mais « sur les 14 milliards d’euros que coûtent les niches fiscales [accordées sous forme de crédits et réductions d’impôts sur le revenu], les 9 % de contribuables les plus riches » en captent « 7 milliards, c’est-à-dire la moitié », a-t-il insisté.

« Peut-être qu’on pourrait se dire que lorsqu’on change son simple vitrage pour passer en double vitrage, la classe moyenne mériterait d’être aidée » et que « les gens qui gagnent beaucoup d’argent pourraient (…) le financer en partie eux-mêmes », a-t-il ajouté, en référence au crédit d’impôt pour la transition écologique.

Une telle piste, qui rentrerait selon l’ex-LR dans les demandes de « justice fiscale » de ses concitoyens, est un sujet récurrent. Les différents gouvernements se sont à maintes reprises attaqués au mille-feuille fiscal français, sans parvenir à remettre à plat les nombreuses niches fiscales hexagonales. « Dans chaque niche, il y a un chien qui mord », ont coutume d’ironiser les députés de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et les habitués de Bercy. Manière de rappeler à quel point les contribuables et les lobbys sont d’accord pour supprimer ces dispositifs… tant qu’ils ne les concernent pas.

Apaiser les craintes

« L’idée, c’est de garder l’outil incitatif pour la très grande majorité des contribuables, mais de se dire que quand on est très aisé, on n’en a pas besoin », démine-t-on dans l’entourage de M. Darmanin, où l’on ajoute que le « curseur reste à fixer ». A Bercy, on cherche aussi à apaiser les craintes, notamment des personnes qui emploient un salarié à domicile (garde d’enfants, aide ménagère…), source de travail au noir dès que les incitations fiscales changent : « Les services à la personne sont déjà plafonnés à 6 000 euros d’avantage fiscal par an. Il faut vraiment être aisé pour arriver au plafond [total accordé pour les avantages d’un foyer] de 10 000 euros ensuite », assure-t-on.

Depuis 2009, le total des avantages fiscaux dont peut bénéficier un foyer est plafonné à 10 000 euros par an.

Plus de 470 niches fiscales existent en France. Parmi les plus populaires, figurent le dispositif d’investissement locatif Pinel, l’aide à l’emploi à domicile et le crédit d’impôt pour la transition écologique. Aucune condition de ressource n’existe actuellement pour bénéficier de ces dispositifs. Mais depuis 2009, le total des avantages fiscaux dont peut bénéficier un foyer est effectivement plafonné à 10 000 euros par an (ou 18 000 euros pour certains comme les investissements outre-mer ou le cinéma). En 2018, le coût total des niches fiscales pour l’Etat s’est élevé à 100 milliards d’euros.

Les propositions de remise à plat du ministre n’ont « pas d’objectif de recettes. Ce n’est pas une mesure de rendement budgétaire mais de justice fiscale », s’empresse-t-on aussi de souligner à Bercy, alors que M. Darmanin s’était dit, dimanche, défavorable à un retour de l’impôt sur la fortune – « vouloir taxer encore plus le capital, juste par idéologie fiscale, ça ne marche pas » – et à une réforme de l’impôt sur le revenu.