« Donner la parole, débattre en s’appuyant sur des faits avérés et non des « infox », recueillir l’expression de chaque opinion et les arguments qu’elle défend permet d’enrichir la réflexion collective » / Agnès Audras / Photononstop

Tribune. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) annonçait, il y a un an, le calendrier et la méthode des Etats généraux de la bioéthique (EGB). Contrairement aux thèmes choisis pour la présente consultation (la fiscalité, l’organisation des services publics…), un grand nombre de thématiques définies par le CCNE pour amorcer le débat ne figuraient pas dans les sujets de préoccupation des citoyens. En dehors de la procréation ou la fin de vie, des sujets comme l’intelligence artificielle, la génomique, les cellules souches ou encore les greffes d’organes sont des thèmes complexes et techniques.

La perspective que les contributions ne seraient pas inutiles puisque inscrites dans le processus de révision de la loi de bioéthique a d’emblée été annoncée. Multiplier les outils de la consultation, définir un cadre de réflexion précis, renseigner dès le début comment seraient organisées la remontée des contributions et la restitution des propositions a constitué le socle de notre démarche, sur lequel pouvait se construire une relation de confiance avec la société. Une consultation doit avant tout favoriser l’information, l’écoute et le dialogue.

Donner la parole, débattre en s’appuyant sur des faits avérés et non des « infox », recueillir l’expression de chaque opinion et les arguments qu’elle défend permet d’enrichir la réflexion collective. La multiplication des outils de la consultation est à nos yeux indispensable : un site web où chacun peut trouver l’information pour sa réflexion et déposer ses contributions ; des débats menés sur le terrain, utiles pour aller à la rencontre du plus grand nombre et répondant à une méthodologie précise selon le dispositif retenu (exposés par des experts, puis débat avec la salle, jeux de rôles, débats sur les lieux de vie de personnes vulnérables…) ; un comité citoyen indépendant du CCNE et portant un regard critique sur la consultation ; des auditions d’experts et de représentants d’associations de patients ou de courants de pensée.

Souci de transparence

Enfin, un médiateur a collecté plaintes et doléances, y répondant chaque semaine. Si le comité citoyen a délibérément été « protégé » de la presse et des possibilités d’influence, les propositions des groupes auditionnés et les réponses du médiateur ont été en revanche mises en ligne dans un souci de transparence.

Inscrire des thèmes précis dans le périmètre du débat signifie-t-il qu’on ne parlera pas d’autre chose ? L’expérience des Etats généraux de la bioéthique démontre plutôt le contraire et s’avère de ce fait d’une grande richesse. Un dixième thème est en effet apparu : celui de la place de l’humain dans le système de soins. Plus largement, l’expression d’une défiance de la société vis-à-vis du corps médical et des scientifiques est apparue particulièrement préoccupante.

Etablir la confiance, la maintenir dans le temps implique que la méthode de traitement de l’information et de restitution soit d’emblée définie. La feuille de route de chacun pour que soit respectée et prise en compte la singularité des opinions avait été précisée dès le début. De même, l’engagement pris par le CCNE de restituer, dans un rapport de synthèse, ce qu’il avait lu et entendu de la manière la plus objective possible.

Préparer la loi

Le Comité, pendant les quatre mois de la consultation, s’est volontairement mis à l’écart de toute intervention publique. Cet effacement temporaire doit-il être recommandé ? Certes le contexte du débat actuel est différent, mais se mettre en retrait, privilégier l’information, se mettre en position d’écoute ne peuvent que favoriser le dialogue recherché.

Tous ces efforts ont-ils été utiles ? Les Etats généraux de la Bioéthique ont permis d’aboutir à la formulation de recommandations pour la future loi. Ils ont aussi nourri la propre réflexion du Comité, en l’engageant sur des voies nouvelles. Mais, ne nous méprenons pas sur le rôle du débat : la dernière étape, celle de la loi, est bien distincte du temps, essentiel, d’une réflexion collective. C’est bien au moment de la loi que le politique, éclairé par le débat, reprend ses droits.