Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, en novembre 2018 à Bruxelles. / JOHN THYS / AFP

La plupart des amateurs de ballon rond ignorent tout, ou presque, de lui. Il est pourtant l’homme le plus puissant du football européen. Obscur avocat slovène en droit criminel et commercial, Aleksander Ceferin, 51 ans, est, depuis septembre 2016, le (septième) président de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Le premier issu de l’ex-bloc de l’Est. Unique candidat à sa succession, ce juriste au regard d’acier devrait être élu pour un deuxième mandat de quatre ans, jeudi 7 février, lors du congrès de l’UEFA, organisé à Rome.

Sans faire de vagues, le successeur de Michel Platini pilote la puissante confédération avec habileté. A son actif, M. Ceferin peut se targuer d’avoir lancé plusieurs réformes, dont une nouvelle version du fair-play financier, en vertu duquel les clubs ne doivent pas dépenser plus qu’ils ne gagnent sous peine de sanctions, l’introduction de l’assistance à l’arbitrage vidéo (VAR) pour les matchs des Coupes d’Europe dès cette année et la création d’une troisième compétition à compter de la saison 2021-2022.

Mais le sujet sur lequel M. Ceferin est attendu, et qui sera central dans son prochain mandat, c’est l’équilibre entre « grands » clubs et « petits » clubs, un dossier sur lequel il est pris en porte-à-faux entre des intérêts divergents.

Les « Football Leaks » ont mis en évidence la complaisance des dirigeants de l’UEFA avec le Paris-Saint-Germain dans le cadre du fair-play financier.

En août 2016, entre le départ contraint de Michel Platini et l’élection de M. Ceferin, ils ont par ailleurs cédé à la pression d’un « cartel » de grands clubs européens (Bayern Munich, Real Madrid, FC Barcelone, Juventus Turin) en entérinant un projet de réforme de la Ligue des champions, dont la nouvelle formule (pour le cycle 2018-2021) avantage les cadors.

« A la solde des gros clubs ? »

« M. Ceferin a pris la machine en marche », le défend Florence Hardouin, membre du comité exécutif (gouvernement) de l’UEFA. « Certaines réformes, comme celles des Coupes d’Europe, étaient déjà actées et votées avant son arrivée », poursuit la Française, candidate à un nouveau mandat lors du congrès de Rome, qui dépeint M. Ceferin comme « soucieux des équilibres entre les grands, les moyens et les plus petits pays ; ce qui n’est pas facile, car les problématiques, les besoins sont parfois aux antipodes ».

« Aleksander n’a pas un job facile quand il s’agit de rendre les grands clubs heureux, car nous savons combien ils sont importants pour le succès commercial de la Ligue des champions, abonde l’ex-buteur croate Davor Suker, lui aussi membre du comité exécutif. Mais nous devons garder ce modèle de solidarité, parce qu’il y a beaucoup de clubs plus petits qui aident à développer des joueurs comme Luka Modric, et qui méritent leur part du gâteau. »

« Ceferin est-il à la solde des gros clubs ?, s’interroge Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de l’AS Saint-Etienne et patron de Première Ligue, le syndicat des clubs de l’élite française. Il dit que le football doit être moins capitalistique, plus rééquilibré. Mais la réalité, c’est autre chose. La distribution des revenus va de plus en plus vers les clubs les plus riches. Il y a une énorme contradiction entre les paroles et les actes. »

« Il est issu d’un petit pays et, s’il veut se faire un nom comme les présidents précédents, ce n’est pas sur la concentration des richesses qu’il peut le faire. C’est sur l’équité, estime Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique lyonnais, qui siège au comité exécutif de l’influente Association européenne des clubs (ECA). Cela passe par la régulation, car on est dans un sport qui draine beaucoup d’argent. Ceferin a un rôle politique excessivement important que ses prédécesseurs n’avaient pas à jouer. »

Le patron de l’OL voit aussi M. Ceferin comme un « rempart » contre les réformes de Gianni Infantino, président de la Fédération internationale de football (FIFA), notamment le nouveau format de la Coupe du monde des clubs et la création d’une Ligue mondiale des nations. « Il défend les positions européennes face aux réformes de la FIFA », tranche Florence Hardouin.

Le « cas » Andriy Pavelko

Les ONG ukrainienne Future Initiatives et française Sherpa ont écrit à Aleksander Ceferin pour l’alerter sur Andriy Pavelko, président de la Fédération ukrainienne de football, qui briguera, à Rome, un siège au comité exécutif de l’UEFA. Celui-ci, soupçonné de détournement d’une aide de l’UEFA, est visé par une enquête pour gestion déloyale en Allemagne et par une plainte en Suisse. Les ONG rappellent que M. Pavelko, élu député et chef de la commission budgétaire à la Rada ukranienne, est en « situation de conflit d’intérêts manifeste », à l’aune des statuts de l’UEFA. « La lutte contre la corruption, c’est aussi une exigence de mettre un terme aux logiques de conflits d’intérêts quand elles nuisent à l’image et l’impartialité d’une grande fédération », assure Me William Bourdon, mandaté par Future Initiatives et fondateur de Sherpa. Les deux associations espèrent que l’UEFA invalidera la candidature de M. Pavelko.