Le jeu de cartes Hanabi a été créé par le Français Antoine Bauza. / Cocktail Games

DeepMind, l’entreprise londonienne consacrée à l’intelligence artificielle (IA) rachetée par Google en 2014, s’intéresse beaucoup aux jeux. Après avoir réussi l’exploit de créer un programme capable de vaincre l’humain au jeu de go, et alors qu’elle l’a écrasé au jeu vidéo Starcraft II, elle a fait part, le 1er février, de son intérêt pour un jeu très différent : Hanabi.

Ce jeu de cartes français signé Antoine Bauza, récompensé en 2013 par un prestigieux Spiel des Jahres, nécessite deux à cinq joueurs, qui disposent chacun de cinq cartes. Chacune est dotée d’un nombre et d’une couleur de feu d’artifice. Objectif : créer des suites de nombres de la même couleur.

Une des particularités de Hanabi est qu’il s’agit d’un jeu coopératif : les joueurs doivent s’entraider pour réaliser, ensemble, les suites les plus longues… le tout sans connaître leurs propres cartes. Celles-ci sont tenues à l’envers : le joueur ne connaît donc pas ses cartes, mais voit celles des autres. A chaque tour s’offrent trois possibilités : donner un indice à un autre joueur sur ses cartes, en poser ou en défausser une.

Hanabi se joue de deux à cinq personnes. / Cocktail Games

Des informations incomplètes

Dans un article, des chercheurs de DeepMind ont donc fait part de leur intérêt pour ce jeu, et mis à disposition des outils permettant à d’autres chercheurs en IA de travailler sur Hanabi. Comme dans Starcraft II, les joueurs ne disposent que d’informations incomplètes pour jouer à Hanabi – contrairement aux échecs ou au jeu de go, où les joueurs ont accès à toutes les données nécessaires pour prendre leurs décisions.

Créer un programme capable de prendre de bonnes décisions sans disposer de toutes les informations représente déjà un défi intéressant pour l’IA. « Il est impossible de connaître avec certitude toutes ses cartes, écrivent les chercheurs de DeepMind. Pour dépasser cette limitation, il faut communiquer des informations implicites, via le choix des actions elles-mêmes, que tous les joueurs peuvent observer. » Et c’est un des autres défis que ces ingénieurs souhaitent relever : pour être efficace, un programme devra être capable de comprendre « les convictions et les intentions des autres », et de les prendre en compte pour élaborer sa stratégie.

Théorie de l’esprit

En résumé, « la combinaison de coopération, d’informations imparfaites et de communication limitée font de Hanabi un jeu idéal pour réfléchir à l’incorporation de la théorie de l’esprit dans des agents intelligents ». La théorie de l’esprit désigne le fait d’être capable de déchiffrer les intentions des autres – ce dont sont capables de jeunes enfants, mais pas des programmes informatiques.

« Les interactions jouent un rôle primordial dans la vie des humains, il est donc essentiel pour des agents intelligents d’être capables de coopérer efficacement avec d’autres agents, notamment humains », expliquent les chercheurs de DeepMind. Comme souvent, les jeux représentent un défi et un environnement idéal – et souvent spectaculaire – pour faire progresser les recherches en IA. Mais les finalités de ces technologies peuvent être tout autres.